samedi 11 octobre 2008

CHAPITRE 3 « BELLE FRANCE DE LA REPUBLIQUE » (1/5)


« Puisque tel est votre souhait, je vais vous raconter l’histoire de notre mère sacrée », répond le druide, le regard brillant, tout en caressant sa longue barbe.

« Vous savez tous, que Belle France de la République est née dans des conditions difficiles. En des temps de pourpre, d’encens et de sang, son père, le dieu Fraternité, s’éprit de la déesse Raison. Ils devinrent très vite inséparables, attachés l’un à l’autre par les chaînes soyeuses de l’amour. Ils voletaient, dansaient continuellement. Au cours de leurs danses amoureuses et noosphériques, ils conçurent Belle France. Or le problème est que Raison travaillait énormément à cette époque. Elle passait beaucoup de temps sur les routes à éduquer les esprits. Cela lui valu bien des tracas et même quelques mésaventures stressantes pour une future jeune maman. Fraternité faisait tout son possible pour la soutenir mais lui aussi avait beaucoup à faire en cette époque. Tout cela eu des conséquences sur la grossesse. Les derniers mois furent très difficiles. D’autant plus que le bébé se présentait de façon inhabituelle. L’accouchement fut compliqué et douloureux. Les déesses Liberté et Egalité virent au secours de Raison mais rien n’y faisait. L’enfant ne parvenait pas à sortir. C’est alors en ce mois de juillet 1789, que l’on dut pratiquer une césarienne pour que Belle France voit le jour. Fraternité s'évanouit. Raison perdit beaucoup de sang. On eut peur de perdre la mère mais elle se rétablit peu à peu. Voilà pour sa naissance.

On aurait pu lui souhaiter une enfance plus reposante mais ce ne fut pas le cas. Belle France dû grandir dans le tumulte. Ses parents habitaient une copropriété divine qui portait le nom d’Europe de Vienne. A l’époque la mode chez les dieux était de vivre en collectivité dans des immeubles construit un peu rapidement. C’était un immeuble d’une vingtaine de logements séparés en deux ailes. Une aile Ouest et une aile Est. La qualité de la construction n’était pas géniale. Les cloisons étaient fines et fragiles et l’on entendait tout ce qui se passait chez les voisins. Or à cette époque, ça s’engueulait pas mal. Les temps étaient querelleurs et les crises fréquentes. Ainsi Belle France du grandir au milieu des cris de la collectivité. Elle en retira une tendance facile aux migraines ophtalmiques, la rendant un peu cyclothymique. Cependant, cela ne l’empêcha pas de devenir une belle enfant espiègle, curieuse et intelligente. Puis de devenir une belle jeune femme aux formes généreuses. Une jolie chevelure châtain lui courait sur le visage, soulignant son superbe regard brun.

Son cousin Germain, en pleine adolescence lui aussi, n’arrivait pas à décrocher ses yeux bleus des formes harmonieuses de sa cousine. Le désir brûlait son jeune esprit immature. Il tenta donc de séduire sa cousine. Par contre il le fit comme tous les adolescents mâles, même divins. Chaque fois qu’il la croisait dans les couloirs de l’immeuble, il lui tirait les cheveux. Belle France répondait en lui donnant des coups de pieds dans les tibias et en courant. Néanmoins elle n’était pas dupe. Elle était consciente de l’intérêt que lui portait son cousin. D’ailleurs elle n’était pas insensible à son charme. Pour Germain elle lui semblait complètement déconcertante. Un jour, elle lui souriait. Le suivant, elle le tançait du regard et se moquait de lui. Ce régime de douches calédoniennes (écossaises) finit par agacer et frustrer Germain.

Un soir, blessé et lassé de l’intempérance gallo-romaine de Belle France, Germain, entraîné par des copains fit le tour des bars divins, « Au Walhalla », « chez Ambroisie », « Hydromel Immortel », histoire de noyer son malheur dans le schnaps, entre autres. C’était un soir noir comme le charbon. Alors qu’il rentrait bien imbibé, il prit l’allée des Ardennes et passa ainsi sous la fenêtre de Belle France. Celle-ci n’ayant pas sommeil, regardait par la fenêtre les nouvelles étoiles éclairées au gaz cosmique. Elle était de bonne humeur et voyant son cousin, elle sortit à sa rencontre afin de le saluer. Germain, la voyant arrivé, fut surpris et recula d’un pas mal assuré comme s’il s’agissait d’une réaction instinctive devant cette image obsédante qui le rongeait.

Belle France, bien que joyeuse, remarqua très vite l’état lamentable dans lequel se trouvait son cousin et ne pu s’empêcher de le sermonner vertement. Les reproches de Belle France étaient la goutte de cervoise qui faisait déborder la corne à boissons. Ils résonnaient dans la tête de Germain comme des coups de canon, les questions de la Sainte Inquisition. Pris de folie, Germain se jeta de rage sur Belle France. Il la gifla et commençait à déchirer son chemisier. Belle France se débattait, lui demandant d’arrêter mais Germain n’entendait rien. En lui mordant le petit doigt, elle réussit à se dégager de ses griffes d’aigle. Germain se retrouva un long moment paralysé par la douleur de la morsure et surtout par l’image de sa cousine en larmes, la poitrine dénudée. Belle France pleurait de rage et lui criait « pourquoi as-tu fait ça ? Pourquoi ? » Elle le giflait, lui tambourinait le torse sans cesse.

Germain revint à lui. Il était en colère contre lui-même, culpabilisant, mais aussi contre cette déesse qui le rendait fou. Il finit par saisir le bras de Belle France qui tentait de le frapper encore une fois et la repoussa violemment, la projetant ainsi à terre. Puis avant même qu’elle n’atteigne le sol, il partit en courrant, pour la fuir. Belle France s’abattit lourdement sur le sol, le bas du dos heurtant un rocher. Elle saigna abondamment. C’est cette nuit là qu’elle perdit l’usage de ses reins.

Aucun commentaire: