jeudi 25 décembre 2008

INTRODUCTION


Promise en septembre 2007 à mes lecteurs du REPUBLICOIN, la voici, la grande aventure syndicale. Une aventure écrite comme un refuge lors des grèves de 2003 et en réponse à l’humour poujadiste, anti-syndical qui circulait alors sous le nom « les aventures de Cégétix ».

Ma vision des choses ayant évolué avec le temps et au contact de pas mal de réalités, vous trouverez ici, lorsqu'il sera terminé, le premier roman qui se lit de gauche à droite dans tous les sens du terme :-)

Pour faciliter la lecture, les posts seront inversés chronologiquement, de décembre à janvier… Allez, trêve de bavardages, on y va. Prologue…

mercredi 24 décembre 2008

SYNDICALINE VERSUS DARK SPECULATOR : PROLOGUE


En l’an de grâce 2012 après J.C. ou selon le nouveau calendrier « réformé », l’an 17 après « La Grande Dérégulation », toute la France sera enfin Reformée. Ils auront réussi à la réformée P4 ! ! !

Toute la France ? Non ! ! !

En effet, une poignée d’irréductibles attachés à la République Une, Indivisible, Laïque et Sociale résistera encore et toujours aux envahisseurs dirigés par Dark Speculator qui règne sur l’Empire de COM depuis ses îles du Grand Caïman.

Mais remontons un peu dans le temps.

En cet an 8 (2003), nos héros retranchés dans le village « Intérêt Général » résistent à l’encerclement mené par les traîtres vendus à l’occupant et qui sont cantonnés dans les camps fortifiés de « Fondepensium », « Profitsmaximum », « Speculatium », « Consortium » et « boitedecom ».

Toutefois avant de présenter nos héros, décrivons les lieutenants du sombre seigneur, les traîtres qui ont rejoint les fortins de l’occupant et les esclaves enrôlés de force dans son armée.

Démagogix : Grand chef des armées pour la zone France: époux de Sacvuitonàlamimine, il a cherché désespérément, pendant plus de 20 ans, à devenir Grand Général, en promettant toutes les victoires, toutes les merveilles, en organisant de grands banquets sur le compte du connétable et surtout du contribuable. Démagogix n’a qu’une seule crainte : Que les factures lui tombent sur la tête!

Girondix : C’est le nouveau lieutenant de Démagogix. Appelé également Monseigneur de la Bosse puisqu’un sort jeté par Démagogix, lui fait gonfler sa bosse cervicale un peu plus à chaque mission échouée. Girondix est chargé d’offrir Belle France, sur un plateau doré, à Dark Spéculator. Dans ce dessein, il utilise la décentralisation pour pouvoir vendre Belle France, en morceaux, à tous les intérêts égoïstes. Il est aidé dans son projet par le Baron Ernestum Wendelium.

Petitfascix : Il est l’un des multiples fils illégitimes de Dark Spéculator. C’est un prédateur redoutable. Son rêve, dévorer Belle France. Pour y parvenir, il raconte à ceux qui ont vraiment faim qu’il partagera la France gironde avec ceux qui seront de bons gaulois et qui se battront pour lui, Le Chef. Bien sûr il espère qu’ils mouront tous dans la bataille afin de pouvoir tout manger avec ses amis.

Vivendix : Fils prodigue de Belle France, il s’est laissé séduire par Dark Spéculator et le chant des sirènes du grand océan. Du coup, il a renié sa mère et ses tantes, les gentilles fées des rivières. Il emportera tout l’or déposé dans le lit des rivières par le bon peuple, afin de pouvoir courir ce qui s’averra être une aventure désastreuse.

Cadremoyenaigrix : Il est centurion dans l’armée de Dark Spéculator. Sa solde de mercenaire s’élève à 2 fois le SMIC pour 2 fois 35 heures de service militant. Son objectif consiste à gagner 3 fois le SMIC pour pouvoir faire partie des maîtres du monde et participer aux majestueux banquets donnés sur l’île paradisiaque du Grand Caïman.

Vendesassurancestoutrix : Meilleur ami de Cadremoyenaigrix, il s’agit d’une créature insatiable de la race inculte des commerciaux. La race à l’origine de l’Empire de Com. Il a été adoubé par Girondix, Chevalier de l’Ordre du Grand Caïman, en armure plaquée or de marque Rolix. Il combat pour son maître qui lui promet le Monde s’il atteint ses « zobjes », ses objectifs de vente.

Caissieràminiprix : Hypnotisé puis transformé en zombie par les mages de Démagogix, qui lui ont fait croire qu’il n’y avait plus de rapports de force dans le monde du travail, que les syndicats ça rend stérile, ça mange les enfants, et qu’il n’est pas un employer mais un co-équipier. Du coup, enchaîné à la rentabilité de sa caisse enregistreuse, il méprise les ouvriers, les employers, les syndicats, fier qu’il est de sa récompense de co-équipier.

Poujadix : Râleur invétéré et exigeant, il veut des hôpitaux, des écoles, des routes de grande qualité. Mais il ne veut pas payer d’impôts et ne veut pas de fonctionnaires. Il préfère donner son argent aux officiers de Dark Spéculator qui lui vendent des services toujours plus chers et de toujours moins bonne qualité.

NOS HEROS

Syndicaline: Syndicaline est tombée dans le chaudron de Dagda quand elle était toute petite. Le chaudron solidaire qui redistribue à ceux qui en ont besoin. Fille d’ouvrier métallurgiste, ingénieur en aéronautique après avoir fait un CAP, Bac-Pro, DIUT, elle étudie désormais le droit social après ses journées de travail. Ce qui lui permet de défendre les droits des salariés au sein de son syndicat.

Didactix: Ami d’enfance de Syndicaline. Humaniste ultra-qualifié, sous-payé sur une base de 10 mois annualisés, supportant l’humeur des parents, des élèves et de la bureaucratie, Didactix se bat malgré tout pour maintenir un savoir digne d’une démocratique. Un savoir qui éclaire et qui libère. Vous remarquerez qu’il ne manifeste jamais pour son salaire mais toujours pour ses élèves ou bien l’Intérêt Général.

Démocratix le chef : C’est un dirigeant politique travailleur mais un peu naïf. Il est de ceux qui travaillent pour le bien de Belle France sans la ramener. Comme il a oublié d’expliquer sa politique et de rappeler aux Français tout ce qu’il a fait pour eux, ceux-ci sont tombés dans les mensonges et les sorts d’oubli que Dark Spéculator a enseigné à Démagogix.

Constitutionnix le druide : L’un des 9 plus grands sages de Belle France. Il est l’un des gardiens sacrés des Saintes Tables de la Nation. Il est toujours prêt à aider nos amis dans la défense d’Intérêt Général, notre beau village.

Staracademix : Barde maudit, il a fait de la prison médiatique par amour de l’art. Il attend l’inspiration et le talent qui tardent à venir mais c’est un fidèle compagnon, adorateur de la déesse Solidarité.

mardi 23 décembre 2008

SYNDICALINE VS DARK SPECULATOR : CHAPITRE 1 LE RAPT (1/4)



An 7, ce fut l’année où les oiseaux de mauvais augure firent leur nid tout en couvant la grippe. En effet, les osselets divinatoires rougissaient de sang, devenant caillots sur la table des prophéties. L’oracle tremblotait de froid. Toujours cette maudite grippe. Un voile sombre tombait sur les femmes jusqu’à la racine des cheveux. La constellation d’Orion se levait, la massue menaçante sur les enfants d’Adonaï, dont des maisons brûlaient. Des nuées rouges, brunes et vertes, cousues en chemises, s’étendaient au firmament, attendant d’être vêtues par les mauvais esprits. La tempête se levait et l’enfant moqueur du monstre marin pataugeait. Le Total-Elfiathan, l’enfant méprisant du Léviathan crachait, en horrible pieuvre géante qu’il est, son encre visqueuse et vénéneuse. Tant de présages hurlaient aux oreilles des hommes et personne pour les entendre. Les Pouvoirs, du premier au quatrième étaient sourds du fait de leurs petites morts honteuses. De toute évidence, il y avait quelque chose de pourri au Royaume des Grandes Marques.

L’an 7 (2002). En vérité, je vous le dis, cette année-là fut une bien triste année. Mais le cycle désastreux ne se manifesta vraiment qu’entre la fin du mois de la Noël, parrainé par Saint Toyzarius, et le début du mois des Etrennes, sous le patronage de Saint Dartius, selon le nouveau calendrier « réformé ».

En ces veilles de Noël, Constitutionnix le Druide venait de passé une très mauvaise nuit. Des cauchemars ponctués de frisons et autres sueurs l’avaient un peu secoué. Pendant ses périodes d’éveil, il crut entendre la voix lugubre de BadBercix le Grix, le Mage des mesures, lancer à travers le brouillard, diverses incantations redoutables : « S = a(1+r)N », « facilités d’ajustement structurel », « endettement net de la Nation », « I.S.F caducus ». Des incantations à manier avec sagesse. Des incantations catastrophiques entre de mauvaises dents.

L’aurore venue, tout en redressant sa pauvre tête, plombée par la nuit passée, Constitutionnix remarque en regardant par sa fenêtre, qu’en ce matin d’après solstice d’Hiver, l’ombre refuse de reculer. L’aurore est timide. L’ombre triomphe encore. La Frange du firmament étant même d’un rouge martelé. Contitutionnix comprend alors que le retour du jour est marqué par le sceau brûlant des filles des forges, divinités souterraines assoupies depuis bien longtemps.

« Pourquoi se réveillent-elles celles-là » se demande Constitutionnix. « Est-ce la hausse des cours de l’acier qui rend leur savoir faire de nouveau rentable en ces contrées ». Alors qu’il se pose ces questions, adossé à sa fenêtre, il lui semble entendre de nouveau la voix de BadBercix. Celle-ci psalmodie lourdement, dans un rythme déjà ancien « si j’avais trois marteaux, je taperais le jour, je taperais la nuit, je taperais toujours, sur le prolétariat… ». Voix qui ne semble perçue que par lui, le reste du village étant plongé dans une étrange léthargie. Personne n’est dehors alors que d’ordinaire une grande partie des habitants d’Intérêt-Général se lève tôt pour aller travailler.

Inquiet par tous ces signes, Constitutionnix quitte le village sans mot dire de peur d’inquiéter ses amis pour rien et désireux de tirer tous ces signes au clair. Par des chemins magiques réservés à son seul ordre, il se dirige à toute vitesse vers la forêt sacrée des druides, située au coeur de la Nation. La forêt de « Conseilconstitutionnix » où, après avoir contacté ses pairs par téléphone portable, puisqu’il faut bien vivre avec son temps, doit se tenir une réunion extraordinaire.

Les portes de la forêt sacrée sont devant lui, mais un étrange silence l’assaille alors que d’ordinaire résonne de tout cotés l’expression de la vie. « Vraiment bizarre tout ça » se dit-il. Se disant ça, trois croassements dont il n’arrive pas à déterminer l’origine viennent déchirer le silence. Il ne réussit à distinguer qu'une brève apparition blanche dans le ciel qui disparaît rapidement dans la cime des arbres. « Décidément étrange tout ça! » se dit-il, tout en s’enfonçant dans un chêne qui sert de porte à la chambre magique du Conseil.

« En quoi ces trois croassement sont-ils étranges » me demanderez-vous. Ah, les enfants de la Ville et leur crasse ignorance des choses de la Nature. Tout simplement parce que le corbeau a cette particularité de ne produire de croassements que par nombre pair. S’il en produit trois, chiffre magique dans la tradition druidique qui plus est, c’est que quelque chose de bizarre se déroule. Je vous jure, faut vraiment tout vous dire.

Après les salutations d’usage et autres bavardages protocolaires, Contitutionnix constate, à sa grande surprise, que non seulement les autres sages n’ont rien perçu de particulier dans le brouillard des dieux de ce matin mais qu’ils ne comprennent pas l’état dans lequel tout cela met Constitutionnix. Constitutionnix reste perplexe. « Étrange, vraiment étrange tout ça » dit-il pour se donner une contenance devant ses confrères. Il ne le croit pas si bien dire.

Alors qu’il commence à se demander s’il n’est pas devenu allergique à l’hydromel, qu’il a sans doute consommé plus que de raison pour fêter le solstice d’hiver, BadBercix déboule à travers l’un des chênes sacrés, qui explose avec son passage. En explosant, le chêne crée une brêche suffisamment importante dans le cercle de chênes magiques, entourant le Pommier de sagesse du Conseil sacré, pour que l’escorte à cheval de BadBercix puisse passer. Les Nazekools. La garde rapprochée de BadBercix constituée de sombres chevaliers. Les Nazekools. Un pipeau commercial puisque s’il s’agit bien de nazes, ils ne sont pas cools du tout.

Sans attendre la moindre réaction de nos bons druides, BadBercix lance une incantation à fragmentation. Avant qu’elle ne se fragmente et ne cible tous nos sages, Constitutionnix qui avait pris la mesure du danger dés qu’il aperçut BadBercix, cherche à protéger l’ensemble du Conseil.

Pointant son sceau sacré vers BadBercix, il lance : « Je suis un fils de l’ordre sacré des Gardiens des Saintes tables de la Nation ». Puis dessinant un cercle sur le sol avec la vive lumière de son sceau, il conclu par un « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale ; BadBercix, No Passaras! ».

« Pourquoi un No Passaras » me demanderez-vous. Décidemment ! Et bien parce que un « tu ne passeras pas » ça sonnait non seulement très nul mais ça faisait surtout très ligne bleu des Vosges, très ligne Maginot que l’ennemi contourne systématiquement depuis trois guerres (1871, 1914, 1940) en passant par Sedan. Alors « You shall not pass » ça claquait mais c’était déjà pris par un certain Gandalf face au Balrog dans les mines de la Moria du « Seigneur des Anneaux ». déjà pris comme le « No passaran ». Que voulez-vous Constitutionnix a le sens du Copyright. « Et tous ces -ix à la Asterix d’Uderzo alors ! » Rien à voir ! Ça m’étonnerait que Uderzo et Goscinny puissent prétendre detenir un droit quelconque sur Vercingétorix, le siège d’Alesia et tous « nos ancêtres les Gaulois », hommes et femmes telles que Blandine, blondine, Francine, Pascaline, Roseline… Mais revenons à notre « No Passaras » qui outre l’avantage de n’avoir jamais été utilisé, offre celui d’une crédibilité que seules disposent, à l’impératif, toutes ces langues naturellement d’Empire que sont l’Allemand ou le Castillan. Voici pour l’explication et revenons à notre récit. Donc « Badbercix, No Passaras ! »

La Terre prise à témoin par Constitutionnix l’assiste. La clairière sacrée à l’expression de douce frime rougit puis se met à briller de colère. Le sol vire vermillon et toute la forêt dénudée par l’hiver s’en mêle. La poussière s’élève ; la tourbe tournoie. La poussière se fait grêle dans un tourbillon de « saine colère » qui s’abat alors sur BadBercix. Une grêle qui s’abat sur lui avec une telle intensité qu’on croirait que la vertu de la Terre se défendrait elle-même. Les racines et les branches des chênes sacrés giflent BadBercix. Un BadBercix qui étrangement sourit...

lundi 22 décembre 2008

CHAPITRE 1 LE RAPT (2/4)



Ce qu’ignorent la forêt en colère et Constitutionnix, c’est que BadBercix revient tout juste de sa retraite méditative de mi-semaine, dirigée télépathiquement par son maître Dark Spéculator. Retraite au cours de laquelle son maître lui a enseigné de tout nouveaux sorts. Il brise donc la parade de Constitutionnix par un suraiguë « Décentralisation ! Synarchie !»

Constitutionnix, surpris, les tympans en sang, laisse choir son sceau magique, brisé en mille morceaux, puis sans avoir le temps de reprendre ses esprit, encaisse, avec les autres sages, une série d’attaques jusqu’au coup fatal. BadBercix prenant le temps d’engager ses cibles venait de lancer une salve de sorts inédits à tête chercheuse : « Via recta est, mais la pente est raide ! » ; « Bonne gouvernance ! » ; « L’avenir est une suite de quotidiens ! »… « Etat de Droite ! ».

Tous les grands sages tombent les uns après les autres dans un profond sommeil. Une fois cela fait, BadBercix lance un signal indiquant que c’est au tour des hélicoraptors d’entrer en action. Il s’agit d’une espèce de dragons, mi-bêtes, mi-machines, créée de toute pièces dans les laboratoires secrets du complexe militaro-industriel de Dark Spéculator. Des hélicoraptors qui s’étaient illustrés quelques années auparavant par la capture d’un procureur sur les contreforts de l’Himalaya. Procureur qui fut prié de lancer des sorts de classement sur un dossier qui engluait un ami de Démagogix.

Cette fois-ci, montés par d’autres Nazekools, ces hélicoraptors se chargent de transporter nos sages vers les geôles de leur lieu de captivité. Les geôles d’une prison horriblement connue sous un nom que seuls les initiés peuvent prononcer. Craignez son nom mes amis ou, si votre esprit est trop fragile, ne lisez pas ce qui suit. Elle se nomme, « les oubliettes de Communicatium ».

Mais ce n’était pas là assez. D’autres hélicoraptors se mettent à hisser le Pommier de sagesse après que les Nazekools au sol ont pris le soin de déraciner l’arbre sacré qui hurle à la mort telle la Mandragore. Un cadeau pour Démagogix qui souhaite se repaître à l’envie de ses fruits. « Notre maître sera grandement satisfait » se félicite BadBercix.

Le temps passa. On reconnu l’hiver aux mois Du Bilan Comptable sous le patronage de Saint Pacioli et celui du Carnaval. Puis arriva le mois des Pâques.

Après tout ce temps sans nouvelles, les amis de Constitutionnix s’inquiétèrent au-delà du supportable, moi y compris. « Qu’est-ce que je fous-là ? » me demanderez-vous ? À vrai dire, je ne saurais vous le cacher plus longtemps. Outre l’excellent narrateur de cette épique aventure, je fais également partie de cette bande de héros. Mais pour tout vous dire nous avons rencontré un problème. Un problème difficile à résoudre. Chacun d’entre nous, dans le cadre d’une démarche participative, tenait à raconter l’aventure à sa façon, à tour de rôle, un peu comme dans le nouveau testament. Face aux risques qu’encouraient la crédibilité et la cohérence de ce magnifique récit, l’un de nos conciliants amis, doué pour la synthèse, nous fit accepter l’idée que l’un d’entre nous serait l’unique narrateur à condition qu’il se fasse discret dans le récit. Aussi je me ferai discret. Promis juré !

Aussi donc, l’attente se faisant insupportable, Syndicaline et Didactix, nos héros, se mettent à demander partout si quelqu’un a des nouvelles de Constitutionnix. Or personne n’en a, pas même Démocratix le chef. Staracademix a bien une idée, mais elle s’avérera stupide comme d’habitude. Didactix poursuit les recherches sur Internet. Ce faisant, il tombe sur l’intéressant site « arrêt des mirages », créé par Médiatix et ses amis, écartés du panel officiel pour un professionnalisme désormais déviant. Site qui parle de la mystérieuse disparition des Grands-Druides du Pays, sans toutefois donner plus de détails si ce n’est une vague mention sur « les oubliettes de Communicatium ». L’inquiétude ne fait qu’augmenter.

Didactix se met alors à consulter méticuleusement toute la presse en quête de la moindre brève qui les mettrait sur une piste. Toujours rien. Jusqu’à ce qu’un banal article, sur la menace de grippe aviaire qui pèserait sur les pigeons urbains, fasse que Didactix se souvienne enfin de celui qui sait tout. Le Vieux Pigeon de la Sorbonne, l’un des neuf plus vieux animaux de Belle France, qu’il avait connu lors de ses études. Un Vieux Pigeon qui avait élu domicile dans la cour de la Sorbonne. Lui qui avait lu tous les livres de La Sorbonne avait pour habitude d’aider les étudiants à réviser, contre des boulettes de falafel, qu’il adorait tant.

Après en avoir parlé avec Syndicaline, nos deux compères décident de partir pour Lutetia, non pas sur le champ mais plutôt vendredi soir. Dans deux jours. « Pourquoi pas sur le champ » me le demanderez-vous ? Vous êtes marrants quand même. Il se trouve tout simplement que nos héros travaillent comme tout le monde pendant la semaine et ne peuvent pas se permettre d’abandonner ainsi leur poste pour courir l’aventure et ce même s’il s’agit d’une opération de sauvetage. Je vous pardonne va ! Il est vrai que bien des récits d’aventures nous ont habitué à ce genre d’incohérences.

Le Vieux Pigeon de la Sorbonne est toujours bien là. Toutefois, ils ne le reconnaissent pas immédiatement. Aucun pigeon ne sort vraiment du lot. Tous ces petits ovipares sont loqueteux, sentent fortement le gasoil et ont l’œil malade. Didactix finit par en remarquer un, au milieu de la cour qui traîne sa misère entre les étudiants avec ce qui semble être un vieux morceau de falafel dans le bec. On croirait qu’il attend le coup de pied ou l’écrasement libérateur.

Didactix qui a sur lui des boulettes de falafel toutes fraîches, en fait rouler une vers ce vieux pigeon. Alors que les autres pigeons restent indifférents à ce geste, ce vieux-ci a soudain les yeux qui se mettent à briller. Tournant la tête vers Didactix, il le reconnaît de suite. Fou de joie, il secoue ses plumes et se rend magnifiquement présentable. Nos deux amis assistent à la transfiguration du vieux pigeon. Après la transfiguration et les présentations d’usage vient le temps des questions. Didactix demande tout d’abord à quoi est due cette tristesse qu’il remarqua tout à l’heure dans son regard.

Le Vieux Pigeon, un peu gêné, dodelinant la tête d’en arrière vers l’avant, lui explique que plus aucun étudiant ne veut s’instruire avec lui. Son savoir n’intéresse plus personne. « Regarde cette cour, mon fidèle Didactix, regarde et vois comment la pensée se déprécie, comment les sciences Biactol polluent tout. Cette cour de Savoir ne tardera pas à devenir un Skate-Park. Or je refuse de voir ça. Pas chez moi ! »

Didactix comprend parfaitement ce que veut dire son vieux maître. Après cela, il lui explique le pourquoi de sa venue. Le Vieux Pigeon plonge son bec dans ses plumes du cou pour marquer sa perplexité.

« Je comprends mieux pourquoi j’ai fait récemment ce rêve étrange. Des corneilles se levaient en grand nombre depuis la forêt de Meudonum. Ces bêtes qui naissent pour les charniers, se multipliaient et dévastaient les nids des moineaux et des mésanges. Un mauvais présage.»

« S’agissant de votre Druide, je suis ici depuis que le premier écrit est entré dans ce bâtiment et j’ai beau les avoir tous lus, je n’ai jamais lu quoi que ce soit sur les oubliettes de la Communicatium. Toutefois je connais un animal qui est arrivé à Lutetia avant moi et qui pourra peut-être vous aider. »

Le Vieux Pigeon de la Sorbonne les conduit chez Le Vieux Caniche du riche bourg de Passy. Vieux Caniche de Passy qu’ils reconnaissent par contre, tout de suite, dés son arrivée dans le hall d'entrée du bel immeuble haussmannien où il demeure. Fier, après avoir uriné nonchalamment contre la porte de la gardienne de l’immeuble, un magnifique Caniche Royal se dirige vers Le Vieux Pigeon.

Après les présentations et autres bavardages protocolaires, maître Pigeon flatte le Vieux Caniche d’un « ça m’a l’air d’aller plutôt bien pour toi, vieux compère ». « Plutôt en effet. Que veux-tu, les affaires se portent bien. Que dis-tu d’ailleurs de mon nouveau gilet Burberius ». « Assez seyant, en effet», lui répond notre Vieux Pigeon avant de lui demander s’il n’a pas entendu parler du rapt des Grands-Druides et des « oubliettes de la Communicatium ».

« Je suis ici depuis l’arrivée du premier bourgeois et j’ai beau avoir assisté à tous les brunches, causeries et commérages, je n’ai jamais entendu parler des oubliettes de la Communicatium. Toutefois, je connais quelqu’un qui était là bien avant moi. N’ayant pas de course importante à faire, je veux bien vous y conduire. Ce n’est pas très loin d’ici. »

C’est ainsi que le Vieux Caniche les conduit chez La Puce dorée. Une Puce Dorée qui habite une superbe maison de ville dans le très riche bourg de Neuillius.

« Tiens c’est marrant, la sonnette ressemble à un bouton de démarrage », se dit Syndicaline.

En effet, dès que Le Vieux Caniche appuie dessus, ce ne sont pas des portes classiques qui s’ouvrent mais ce qui ressemble à une session. Tous nos compagnons se retrouvent après un long couloir de démarrage dans un gigantesque bureau de réception, entièrement tapissé de peaux de dalmatiens, décoré de quelques icônes et percé de fenêtres aux vitraux style « Windows PX ».

Le Vieux Caniche qui les guide se dirige vers le centre de la pièce, où nos héros distinguent progressivement une petite tache brillante. À leur grande surprise, il s’agit d’une véritable puce protégée par une carapace en or. La plus vieille puce du monde.

Après les présentations d’usage et autres bavardages protocolaires, nos amis posent leurs questions concernant le rapt des Druides. La Puce réagit en éclatant de rire et en vociférant avec sa voix de vieille puce. « Depuis que je suis née, on se moque de moi, on me piétine. Or voilà que maintenant je suis au cœur de tout, au cœur de tous les systèmes, de tous les réseaux, de tous les hardwares, de tout le savoir. Je suis supraconductrice ; je conduis tout, tous les destins de la Terre et je ne vous dirais rien. Je ne vous ouvrirais pas ma mémoire vive ! »

C’était sans compter sur le hasard, capable de retourner bien des situations et autres scénarios bien ficelés. Didactix qui a attrapé pendant le voyage, à cause de la climatisation du train, un tout nouveau rhume de type troyen, éternue sans le vouloir sur la Puce.

Celle-ci qui riait encore se met subitement à tousser et à transpirer, contaminée qu’elle est par le virus troyen de Didactix. Elle est prise de spasmes. Syndicaline a alors l’idée de reposer les questions sur le rapt de nos druides. Une très bonne idée puisque dans ses convulsions, tout en les traitant de « Pirates ! », la Puce imprime sur l’un des kleennix de Didactix, les précieuses informations recherchées par nos amis. Puis la Puce se met à hurler de plus en plus fort. De la bave de silice corrosive se met à remplir toute la pièce. Entendant dans le couloir le pas de course du féroce service d’ordre et de l’impitoyable service d’administration réseau, nos héros se sauvent en fermant sur eux l’une des fenêtres.

Une fois à l’abri, ils déchiffrent sur le kleenix de Didactix « allez vers la rue de la couronne en fuite et vous trouverez vos Druides dans les cryptes du donjon baptisé Communicatium. »

Pour ceux qui s’inquièteraient pour la Puce Dorée, rassurez-vous ! La Puce s’est auto-sauvegardé grâce à un download raëlien avant de se réinitialiser, retrouvant ainsi son orgueil d’avant l’attaque virale. Par contre si certains d’entre vous voulaient la voir, ce sera maintenant beaucoup plus difficile. Elle se protége derrière un mur de feu supranaturel.

dimanche 21 décembre 2008

CHAPITRE 1 LE RAPT (3/4)



Revenus au cœur de Lutetia et une fois arrivés rue de la Couronne en fuite, nos camarades découvrent qu’un donjon très bien gardé jouxte le palais qu’occupe Girondix. « Notre druide doit être là-dedans. Toutefois comment va-t-on faire pour le délivrer ? » Se demandaient-ils.

Le Vieux Pigeon de la Sorbonne, qui les accompagne toujours, se propose de rechercher Constitutionnix, de le prévenir que ses amis sont là et de revenir avec des informations. Après s’être glissé par une fenêtre entrouverte, avoir descendu d’interminables escaliers et s’être battu contre les rats des couloirs de la crypte du donjon, notre Vieux Pigeon finit par trouver Constitutionnix. Un Constitutionnix très affaibli mais au combien heureux de savoir que ses amis sont là.

Après les bavardages introductifs habituels, Constitutionnix indique au Vieux Pigeon qu’il serait bon que ses amis interviennent cette nuit même car il s’agit d’une nuit sans lune pendant laquelle il pourra tenter de les aider. C’est avec un grand soulagement et une très grande joie que nos amis reçoivent toutes ses informations.

La nuit venue, ils s’aperçoivent en effet, que la Lune est éteinte et qu’un brouillard druidique, compact et glacial se repend. Les dieux sont avec eux. Les dieux ont entendu l’appel du bon druide.

Les gardes au sang reptilien ne résistent pas longtemps au sang-froid des éléments. La plupart d’entre eux rentre aux abris. Les plus résistants restent pour maintenir un service de garde minimum.

Alors qu’ils réfléchissent à comment neutraliser les derniers vigiles, Didactix se rend compte qu’il est assis sur une caisse, tombée visiblement d’un camion militaire, estampillée «Achtung, Munitionum ». Il l’ouvre et découvre qu ‘elle contient des études d’opinion.

Didactix a une idée suivie d’un long moment d’hésitation. Tout écrit se doit d’être respecté et ne pas servir d’arme de jet. En réfléchissant il se souvient cependant d’une vieille jurisprudence : «Considérant qu’un prospectus publicitaire reste un prospectus, même s’il prend des formes livresques, vu qu’il n’est pas œuvre de savoir. Considérant que tout prospectus publicitaire a la poubelle pour destination finale; toute réclame qui peut être jetée peut donc servir d’arme de jet. » (Cours de Cass. morale, n°146-952 ; ifopipeau contre bibliothèque de quartier )

« Alors, t’as fini ou quoi ? Que fait-on ? Noms des dieux ! » Se permet une Syndicaline gelée après une heure d’attente silencieuse dans le brouillard glacial. « Je déteste quand tu rentres dans tes interminables catalepsies socratiques, pendant lesquelles il ne faut surtout pas te réveiller ». Didactix, lui sourit et lui dit qu’ils vont pouvoir passer à l’attaque. Pendant que Syndicaline montera à l’assaut de la forteresse, Didactix se servira du poids des mots pour le choc des paupières.

« Je vois que me revient encore le privilège de me jeter dans la gueule du loup » maugrée Syndicaline.

« Que veux-tu, t’es la seule d’entre nous à avoir été trotskiste dans ta jeunesse. Il faut bien que les techniques d’entrisme et d’infiltration que tu y as appris, servent au moins à quelque chose de concret » lui répond un Didactix goguenard.

« Mouais, quelque chose me dit que je paierai toute ma vie cette stupide erreur de jeunesse » conclu Syndicaline.

Et il en va ainsi. Didactix, en couverture, assomme à coup de pavés sondagiés tout garde qui se montre. Quant à Syndicaline, elle se glisse, s’immisce, se faufile, jusqu’à la crypte des cachots, tantôt jouant le personnel de maison, tantôt la conseillère technique, tantôt la secrétaire particulière. Tout un art que celui du camouflage trotskiste.

Une crypte où elle découvre une odeur familière. « mais ça empeste le flan, ici ». Effectivement, dans la crypte de Communicatium, dégouline de partout une sorte de gélatine à la forte odeur de flan. N’y résistant pas, elle se risque à goûter la gélatine en question. « Il n’y pas de doute, c’est du flan. Tout ici est à base de flan, les murs, le sol, le plafond ». C’est dans cet environnement étrange qu’elle ne tarde pas à découvrir la geôle de Constitutionnix, qui la guidait télépathiquement par voie d’ondes courtes.

« Il n’y a pas un instant à perdre, mes pouvoirs s’amenuisent de minute en minute. Il me faut tenter de geler tout ce flan avec ce qu’il me reste de fluide magique pour que tu puisses essayer de briser la porte ».

« Surtout pas, cher Constitutionnix. Le flan ne gèle que très difficilement grâce à ses particularités moléculaires. Qui plus est, toute la structure risquerait de s’affaisser sur nous. Laisse-moi faire, mon bon druide. Tu as devant toi une championne universitaire de gobage de flanby. grâce à ma technique spéciale du escaping-flanby, en gobant aux bons endroits, sans toucher aux flanbys angulaires comme de voûte, je devrais pouvoir gober ce qu’il faut pour qu’on puisse te sortir de là ». Gobage que Syndicaline accompli magistralement.

Après avoir aidé le druide à s’extirper par le passage créé par voie de gobage, elle retrouve Constitutionnix encore plus épuisé que ne l’avait trouvé le Vieux Pigeon. Ses derniers efforts l’ayant totalement vidé. « Tiens bon Constitutionnix. Tiens bon, j’ai besoin de toi pour m’aider à libérer les autres Druides et pour nous faire sortir d’ici avec les quelques grammes de poudre d’escampette que j’ai ramenée avec moi ».

« Ne t’inquiète pas mon enfant, libéré de l’emprise du flan qui absorbait ce qui me restait de pouvoirs, je vais pouvoir nous fagoter au moins deux trois sorts de dissimulation. Pour les autres Druides, nous ne les trouverons plus ici ».

Syndicaline et Constitutionnix retrouvent le Vieux Pigeon ainsi que Didactix à l’extérieur. Ce dernier est surpris de ne pas les voir accompagnés de tous les autres Grands-Druides. « Je vous expliquerai tout ça, une fois au village. Rentrons vite, de grands dangers nous menacent. »

Après avoir dit ça, le vieux Druide n’a que le temps de s’asseoir dans le Taxi, hélé par Didactix, avant de s’enfoncer dans un profond sommeil. Le Taxi prend la direction de la Gare du Mont Parnax. Par chance ils n’attendront pas longtemps le premier train du matin. Arrivés au Village, Constitutionnix dort toujours. On le porte chez lui où il dormira 48 heures d’affilées. 48 heures pendant lesquelles nos héros veillent sur lui. Staracademix se proposant même de composer une chanson aux pouvoirs guérisseurs. On lui explique gentiment que ce n’est pas le moment pour les conneries.

vendredi 19 décembre 2008

CHAPITRE 1 LE RAPT (4/4)



Les 48 heures se sont écoulées. Le bon druide se réveille. La fée Christine, sa douce fée de compagnie, lui prépare avec amour et lui sert son petit-déjeuner favori: un cocktail de jus de fruits bio multi-vitaminés ; ses galettes pur-beurre de DHEA, une huile druidique aux pouvoirs régénératifs, et du bon bacon de sanglier « serano », accompagné de pain druidique. Du bon pain à base de farine de glands car puisque tout est bon dans le cochon, ce que mange le cochon l’est forcement.

Tout en mangeant, il leur raconte ce qu’il vécut et apprit pendant ses mois de captivité dans les gluantes geôles de « Communicatium. »

« Le premier mois, nous étions tous enfermés dans la même cellule. BadBercix le Grix logeait lui dans le Donjon qui surplombe les cachots, lieu où il travaillait avec Girondix à l’élaboration des plans de campagne de Démagogix. Apprenant cela par ces bavards esprits que sont les Bruits-de-couloir, nous avons demandé aux petites souris du cachot de bien vouloir espionner pour notre compte les conversations comme le contenu des plans. C’est ainsi que nous découvrîmes une partie des projets maléfiques établis par Girondix et son fidèle lieutenant BadBercix le mage des mesures. Les projets qu’ils préparaient malicieusement contre Belle France. Les invocations de BadBercix, entendues avant mon départ, n’étaient pas qu’un piège pour m’inciter à réunir en urgence le Grand Conseil au complet ».

« Parmi ces projets, Girondix mettrait tout en œuvre pour fournir au sombre Baron Wendelium trois grands marteaux en or massif. Des armes magiques que ses ancêtres ont déjà utilisées en des temps immémoriaux pour faire plier la volonté populaire, avant qu’elles ne se retournent contre eux. Des marteaux qui ne peuvent être fabriqués que par les filles du Dieu forgeron, les filles des forges, Usinoria, Saciloris et Alstomia. Divinités qui en plus d’un précieux élixir à base de sueur de travailleur, ont besoin d’enchaîner le Soleil de l’aurore quelques instants, tous les jours, afin de lui voler un peu de son feu sacré, pour pouvoir fondre et travailler l’or du cœur de la Terre ».

« Vous imaginez bien, vous qui êtes des êtres sages, que pour enchaîner le grand dieu Belenos quelques instants, il faut déployer des incantations extrêmement puissantes, des sorts nucléaires très dangereux. Or tout druide physicien qui se respecte connaît l’éternelle Loi de l’action-réaction. Tout sort a pour écho son contre-sort. Et plus le sort est puissant et plus l’écho l’est d’autant. Mais ces pauvres fous se moquent de la sagesse. Seul leur soif démesurée, leur égoïsme, l’individualisme les guide et les motive ».

« Ainsi, les sorts furent jetés, jetés au visage du firmament », nous dit avec gravité Constitutionnix.

« BadBercix et les autres mages des mesures, sous les ordres de Girondix, lancèrent toutes les nuits qui suivirent notre capture, depuis la plus haute tour du palais, des formules telles que "Usinoria, Saciloris, Alstomia… Nous vous offrons l’augmentation du temps de travail… La précarité… Les délocalisations… La rente financière… Accordez-nous les trois marteaux-pilons qui font plier les volontés… À commencer par celle du Soleil" ».

« Bien qu’enfermés dans notre cachot, matelassé de flan absorbant, nous percevions ces sorts puissants. Des sorts que nous tentions de contrer en fusionnant nos pourvoir pour lancer des contre-mesures telles que "Sol invictus, Belenos invictix…France…Belle France de la République…Ta devise est Liberté, Egalité, Fraternité… Ton principe est gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple … Que l’Esprit de Lumière reste ton frère… Qu’il brille pour nous tous" ».

« Toute la nuit, toutes les nuits nous combattîmes ainsi, jusqu’au jour où les mages de magie sombre, membres de l’ordre des caisses occultes, cherchèrent des causes à l’échec de leur invocations et perçurent enfin nos propres contre-mesures. Ils étaient surpris. Ils pensaient en effet que leurs murs de flan annuleraient tous nos sorts de vérité. Les voilà touchés dans leur orgueil. BadBercix, leur chef, réagit en faisant en sorte que nous soyons séparés les uns des autres. J’ignore par conséquent où sont mes pairs ».

« Diantre, diables et lutins ! La guigne ! » Grogne Didactix en y pensant. Comment retrouver les autres Grands-Druides maintenant que la Puce qui sait tout s’est retranchée derrière son « Fire-Wall » magique.

« Mais ce n’est pas tout », poursuit Constitutionnix.

« Avant de nous expédier loin les uns des autres, Girondix me rendit visite dans mon cachot pour m’y infliger une blessure supplémentaire. Il commença par tenter de me séduire avec des mots parfumés de miel et de lavande. Il échoua. Je ne me laissais pas, bien évidemment, tromper par ces senteurs. Bien que fatigué, je voyais clairement les sornettes et autres couleuvres qui sortaient de la bouche du Bossu en sifflant ».

« Prenant conscience de son incapacité à me tenter, il finit par m’ordonner de me mettre à son service. Demande qui fut accueillie par une fin de non-recevoir, étant donné que je n’avais rien à lui offrir, ni à lui, ni à ses maîtres, pauvre esclave qu’il était ».

« C’est alors, un sourire narquois accroché aux lèvres telle de la morve acide, qu’il me bava dessus les mots suivants : Oh ! que si, pauvre fou. Tu as bien des choses à m’offrir. Ne me sous-estime pas Constitutionnix. Je sais qui tu es et les pouvoirs que tu détiens. Tu commandes à des armées noosphériques. Tu as hérité du pouvoir des mots dorés or je veux ce pouvoir ».

« Ce à quoi j’ai répondu "Mes armées de lettres dorées ne seront entre tes mains que de vulgaires soldats de plomb". Une réponse qui en appela une autre bien plus brutale. Me souriant, Girondix me rétorqua la chose suivante ».

« Je me contenterai de mots de plomb, vieil alchimiste de la parole. Je n’ai pas de temps à perdre et je ne te laisse pas le choix. Tes confrères sont en mon pouvoir et je n’ai pas besoin d’insister sur le fait que je n’hésiterai pas à les dissoudre dans l’oubli. Tu es suffisamment intelligent pour reconnaître ta défaite et trop stupide pour me laisser faire une chose pareille »

« La sentence fut sans appel et ma défaite bien cruelle, mes chers enfants. Ce monstre de Girondix vampirisa l’essentiel de mes pouvoirs. J’en suis désolé. J’en suis profondément désolé », insiste Constitutionnix en conclusion du récit de sa captivité.

« C’est un druide affaibli et bien pauvre en magie désormais, que vous avez secouru. Je n’ai plus à vous offrir que quelques sorts, un peu de savoir et les conseils d’un vieux fou ».

« Nous n’échangerions cela contre aucune armée de mots ou de tout autre ordre. C’est toi que nous voulons à nos cotés » lui disent en choeur Syndicaline et Didactix.

Heureux de cette marque d’amitié, Constitutionnix termine son repas en disant que l’on n’a, de toute façon, plus le temps de partir à la recherche des autres druides. « Nous devons nous préparer ». Se préparer car les troupes ennemies se préparent, elles aussi, pour la campagne post-électorale.

« Comment Girondix a-t-il vampirisé les pouvoirs de Constitutionnix », me demanderez-vous. Une curiosité fort légitime que j’étancherai un peu à l’écart de notre bon Druide puisque vous aurez compris qu’il n’est pas capable de vous parler, pour l’instant, de ce souvenir douloureux.

Après que Girondix lui a ordonné de lui remettre le pouvoir des mots d’Or, Constitutionnix lui dit « Puisque tu veux ce pouvoir, le voici ». Puis le druide tendit ses bras en direction de Girondix. L’atmosphère devint humide et lourde, comme chargée d’électricité. Une odeur de mercure et de cyanure se mit à flotter. Constitutionnix se mit à trembler violemment. Sa sueur ruissela jusqu’à ses pieds. Là, sur le sol, les gouttes formèrent des billes liquides qui se mirent à rouler vers le bossu pour finir par reformer une flaque sous ses pieds.

Alors que Contitutionnix tendait toujours ses bras parcourus de spasmes vers Girondix, une brume épaisse aux reflets dorés s’extirpa par les pores de la peau et le bout des doigts du druide. Ses ongles tombèrent. Le druide gémit ; le bossu sourit.

La brume se fit de plus en plus compacte, finissant par former dans l’espace de magnifiques entrelacs, si denses que l’on aurait dit les entremêlements des branches de l’If. Des entrelacs où des lettres ogamiques apparurent, accompagnées d’un bruit sourd, comme celui d’encoches que l’on frapperait sur du bois.

Ces lettres d’or, filles du silence, finirent par se détacher des entrelacs et par se précipiter vers la bouche et les narines de Girondix qui les accueillit en riant. Les entrelacs gémirent telle l’écorce d’un arbre que l’on déchire ; le bossu sourit. Constitutionnix s’effondra et Girondix, dit Messire de la Bosse, quitta le cachot fier de lui.

vendredi 21 novembre 2008

CHAPITRE 2 « MOBILISATIONS » (1/4)



Constitutionnix avait vu juste encore une fois. Dés ce matin-là, des commandos en tenue de camouflage quittent le fort « Boitedecom » en lançant des cris de guerre tels que « 80%…Enfin proprios de l’assemblée…On ne va pas se laisser emmerder ! ».

Armés de verve acide, ils font les premiers kilomètres camouflés à l’aide d’un très efficace sourire d’apparat enseigné par Démagogix, et d’un polo SPQR histoire de se fondre dans les jeunes actifs. Leur objectif : prendre d’assaut le bourg Televisium. Un lieu stratégique.

Le Plan prévoit qu’ils soient récupérés un peu plus loin, en aval du fleuve Hertzien, par des vedettes rapides que BadBercix leur envoie depuis son repère. Des embarcations qui remontent le fleuve Hertzien jusqu’à son confluent avec la rivière Oisive. Là, ils débarquent pour poursuivre par la route Kathodique qui les mène jusqu’au bourg visé. La bataille est brève. Ayant toujours été de faible résistance, le bourg Televisium s’offre facilement au nouvel occupant.

Dés cette journée, ils contrôlent presque tous les pigeons décodeurs, dont les habitants de Televisium sont les dresseurs. Des pigeons décodeurs, qui installés sur les antennes émettrices, se mettent alors à roucouler en dodelinant la tête une bien étrange rumeur.

Cette rumeur conte que l’on va réduire le pain des anciens, que seul le peuple travailleur cotisera plus en charriant les lourds sacs de blé, d’orge et d’avoine, dans les silos de prévoyance. Le seul peuple travailleur portera jusqu’à ce que ses vieilles jambes se brisent .

Pendant ce temps, le Baron et sa suite se goinfrera dans d’interminables ripailles, fermera ses greniers à la solidarité et en déplacera le contenu dans de gigantesques coffres hors d’atteinte. L’orge, l’or et les ballots de soie seront ainsi confisqués au bien commun ; confisqués et gardés par les terribles Trolls des montagnes ; Confisqués et comptés inlassablement par les gobelins gris des cavernes helvètes ; comptés et entassés sans cesse dans les coffres sans fond des vampires du bien commun. Le Baron rira, repus, bronzé, massé sur une île ensoleillée, protégée par des caïmans géants. Le Baron se gausserait du peuple qui plie, qui casse et qui se rend à la Rente.

La vision accompagnant cette rumeur fait frissonner le vénérable druide mais pas seulement. Tous les habitants d’intérêt général sentent un même frisson leur parcourir l’échine. Un frisson qui sonne l’heure du rassemblement. Chacun se dirige alors vers sa maison de quartier où il retrouve ses confrères.

Dans chaque assemblée, chacun discute, réfléchi, se dispute perturbant le sommeil de l’astre du Jour dans cette longue veillée sociale. De chaque maison devront sortir des délégués qui sur la place centrale du village délibèreront quant aux actions à mener.

En attendant, alors que les douze déesses de la nuit défilent dans le ciel, des éclats de voix aux accents tribuns encore imberbes bourgeonnent. Les animaux de la forêt, les lutins, les fées écoutent ces discussions, un peu perturbés par tout ce tumulte peu festif.

jeudi 20 novembre 2008

CHAPITRE 2 MOBILISATIONS (2/4)



Dans la maison des enseignants, ces oreilles discrètes assistent à un échange un peu vif entre Didactix et Mlle Profsousmorphine. Cette dernière en sanglots lance à l’assemblée, dont une petite partie, au fond, corrige des copies en retard, « la grève nous est interdite car nous avons un devoir de sacrifice envers nos élèves et la société ; disposant de la garantie de l’emploi nous devons nous sacrifier! » Concluant sur la nécessité d’accueillir les élèves, et surtout de « se sacrifier », elle plante nerveusement sa fourchette dans le tupperware rempli de salade qu’elle s’était préparé pour la soirée. Son ami Profsousprozax la soutient, un verre de vin blanc à la main.

Didactix, rétorque alors goguenard : « Mais oui, voyons ! Invitons Démagogix à pousser sa logique jusqu’au bout. Puisqu’on glande et qu’on a la garantie de l’emploi, il n’a qu’à faire cotiser les salariés du public 50 ans et ceux du privé 30 ans. Ainsi on obtiendra une moyenne de 40 ans pour tout le monde ! Il n’y a pas à dire, on fait culpabiliser beaucoup trop facilement un prof. » Puis d’un ton plus sérieux, il poursuit : « La garantie de l’emploi, un prétendu avantage que nous payons doublement. Que nous avons payé en trimant pendant des années passées à préparer les concours. Que nous payons toujours puisqu’à qualification égale, nous sommes moins bien rémunérés que dans le privé ! Et puis une garantie de l’emploi que l’on peut voir, si nous imitons la mauvaise foi de nos adversaires, comme une obligation de travail toute sa vie professionnelle. Nous viendrait-il à l’esprit de jalouser les périodes de chômage rémunérées chez les salariés du privé ? Non ! Pourtant on pourrait prétendre qu’il s’agit-là d’une forme de garantie de l’emploi ou plutôt de salaire. Que l’on cesse donc avec cette grosse ficelle de la garantie de l’emploi. Alors certes oui, nous avons des devoirs. Parmi ceux-ci nous avons celui de défendre ce ciment républicain qu’est l’Ecole. Cela passe par la défense de l’institution scolaire mais aussi de notre dignité. Je ne suis pas un garde-chiourme mais bien un Professeur »

Profsousmorphine pleure alors de plus belle tout en mâchouillant rageusement un pétale d’endive. Ce qui pousse Profsousprozax à prendre sa défense en lançant un vibrant : « oui mais comment t’explique ça aux parents d'élèves, toi ?!? »

« Par Ogmios ! Répond Didactix, « avec des mots et si les parents ne comprennent pas ses termes simples, s’ils ne nous respectent pas, s’ils préfèrent rester attachés à la défense de leur petit intérêts égoïstes réduits à la seule obligation pour l’école de faire garderie tout en livrant des menus scolaires à la carte, et bien tant pis. La dignité et le respect passe par un rappel. Ceux qui ont obtenu les concours, c’est nous ! Ceux qui détiennent l’autorictas que confère le savoir, c’est encore nous ! Je rappelle enfin que jusqu’à présent nous avons toujours manifesté pour les autres, pour l’école, pour les élèves, jamais pour nous-mêmes, pour nos salaires calculés sur dix mois annualisés, sur nos conditions de travail déplorables. Alors ça suffit, on ne réussira plus à nous faire culpabiliser.»

Profsousprozax laisse tomber son verre de vin blanc et se met à pleurer lui aussi. L’assemblée des profs applaudit timidement, excepté ceux qui, au fond, corrigent leurs copies. Ils applaudissent timidement. Ils n’osent pas trop. Ils ont perdu l’habitude d’être fiers.

Après cela, Didactix est choisi pour figurer parmi les délégués qui représenteront la maison des professeurs à l’assemblée générale du village. Il quitte la maison des professeurs et part à la rencontre de Syndicaline. Celle-ci jointe par téléphone portable lui a indiqué qu’elle se trouvait chez son père, occupée à la fabrication de munitions sans donner plus de détails. Didactix a envie de voir ça.

En chemin, il croise des amis qui se rendent dans telle ou telle maison ou qui en reviennent, lui relatant ce qu’il y a été dit. C’est ainsi que Cégétix lui indique que leurs amis Locomotrix, Lignesix, Nationalelectrix, se mobilisent fortement, refusant le chantage dit « des privilèges » ou de « la prise en otage des usagers ».

« Quels privilèges ? » demanda Locomotrix lors de la réunion. Avant de poursuivre sur le fait que si nul salarié n’est prêt à renoncer aux dispositions conventionnelles, aux primes spécifiques et autres « avantages », ou plutôt « des dûs-sociaux », liées aux spécificités de tel ou tel métier, de telle ou telle entreprise, il ne voit pas pourquoi il devrait renoncer aux dispositions en matière de retraites prévues par son contrat de travail. Quant à « la prise en otage des usagers », Lignesix a indiqué que servir le public ne signifie pas accepter d’être asservi par des considérations privées propres à telle ou telle partie du public. À partir du moment où il paye le prix de la grève en y sacrifiant son salaire, la légitimité de l’action est sienne. « Et puis après tout, on ne bloque ni les rues, ni les trottoirs. Si on n’aide pas à se déplacer, on n’empêche personne de le faire. Chacun demeure libre de circuler autrement qu’en se servant de nos services. Les choix possibles restent nombreux. L’habitude du plus pratique n’est pas force de loi.»

Un Cégétix qui doit se rendre dans sa propre maison de quartier où l’y attendent ses camarades Métallurgix, Aéronautix, Carrosserix. Il rapportera à ses camarades ce qu’il a entendu ici ou là et notamment chez Locomotrix et Lignesix. Il leur dira « que les salariés du public sont prêts à défendre leur dû-social, y compris en sacrifiant leur salaire, mais espèrent aussi aider à sauvegarder par leur mobilisation le dû-social du plus grand nombre ».

Cégétix poursuivra d’ailleurs en rappelant qu’après-tout « l’avantage du secteur public n’est pas tant la garantie de l’emploi mais celle de cotisation. Et oui, même s’ils doivent cotiser plus longtemps, ils pourront le faire dans de meilleures conditions que nous puisqu’avec des périodes de chômage parfois très longues et qui touchent beaucoup d’entre nous en fin de carrière, ce sont nos capacités à cotiser dans de bonnes conditions qui sont ainsi menacées. Aussi en défendant leurs droits en matière de retraites, ils défendent également, voir plus encore les nôtres. »

Didactix quitte Cégétix en lui souhaitant de pouvoir convaincre ses camarades et poursuit sa route. Passant aux abords de certaines maisons de quartier ou d’un parc où s’improvise une réunion, il entend des salariés fatigués dire « On cotisera plus longtemps le jour où les rentiers, ceux qui naissent retraités cotiseront un tant soit peu ».

Il voit même certains d’entre eux, au détour d'une rue, commencer à fabriquer des banderoles en vue des futures manifestations. Parmi celles-ci, il y en a une qui attire son attention par son originalité. Des salariés du textile, d’origine chinoise, ont fabriqué une banderole en forme de dragon avec des slogans inscrits sur le flanc de la bête en papier. Un dragon-rouge pour lequel ils improvisent une danse sociale…

mercredi 19 novembre 2008

CHAPITRE 3 MOBILISATIONS (3/4)



Un peu plus loin, voilà que Didactix croise deux vieilles connaissances, Péhèmix et bétépix qui fument une cigarette d’un air détaché, à l’extérieur du pavillon où se tient la réunion de leur fraternité patronale.

« Ben, en voilà des drôles de têtes. Que faites-vous dehors les gars ? » demande Didactix.

« Nous attendons notre tour, cher camarade » répondent en chœur les deux compères, avant de se voir demander par Didactix « pourquoi ne pas attendre à l’intérieur ? »

« Afin d’éviter l’agacement par Lugh ! Tu sais bien comment ça fonctionne dans notre maison des petits patrons » souligne Bétépix.

« À vrai dire, pas vraiment » leur signifie Didactix interrogatif.

« Comment t’expliquer », dit Péhèmix, tout en écrasant sa cigarette. « Voilà ! Lors de nos réunions, chaque groupe prend la parole tour à tour selon un ordre préétabli, le notre intervenant en tout dernier lieu ». Puis il explique ce qui suit.

Le premier groupe conduit par Capitalrix est constitué de faux petits patrons puisque leurs petites entreprises appartiennent à des grands groupes. Ils représentent l’un des nouveaux visages de ceux qui sont au sommet de la chaîne alimentaire économique. Capitalrix affirmera que toutes les entreprises, quelles que soient leur taille, ont les mêmes intérêts, que les grandes entreprises ne sont pas les adversaires des petites mais des alliés face à la mondialisation, que ces grands groupes bien que représentant moins de 10% des entreprises produisent plus de la moitié de la valeur ajoutée et leur fournissent bien du travail. Par conséquent ces grands groupes doivent êtres écoutés quand ils expliquent que la mondialisation implique que les Etats fassent peser le coût de leur modèles sociaux sur les bénéficiaires, les seuls travailleurs. Des travailleurs qui doivent se débrouiller pour leur être utiles en tant que salariés, en forme, bien formés, compétents, efficients, sans que les grandes entreprises n’aient à participer par l’impôt à ce qui permet cela, et utiles en tant qu’enthousiastes consommateurs sans avoir à participer à ce qui permet cela également, que ce soit en termes de salaires ou de pensions. « Fabuleux non ?!? »

Le deuxième groupe est constitué par les poissons pilotes du premier. Indépendants mais coincés entre la concurrence exercée par les grands groupes à l’intérieur et celle des entreprises installées dans les paradis fiscaux et autres enfers sociaux, ils finissent par adhérer au message du premier. Certains étant même heureux de manger les miettes coincées entre les dents des prédateurs économiques. « Nos charges, nos charges, nos gages » ! Et tant pis pour les salariés.

Manger pour vivre ou vivre pour manger, telle est l’une des questions posée par la mondialisation.

Puis il y a le groupe de ceux dont la devise est chacun pour soi. Artisans, chefs de micro-entreprises, ils estiment que tout le monde doit trimer autant qu’ils triment. Chacun sa vie, chacun son petit profit, chacun sa propre prévoyance et tant pis pour la cohésion de la nation.

« Enfin vient le tour de notre groupe », soupire Péhèmix.

Un groupe d’entrepreneurs estimant que la prospérité des uns participe à celle des autres, qui refuse de subir la pression de grands groupes, la pression de leurs intérêts financiers, d’où découlent sous-traitances en cascade, avec pour conséquence le fait que les risques soient finalement assumés par ceux qui se trouvent en bout de chaîne, pour le seul profit des requins de la finance. Une pression synonyme de faibles marges pour leurs petites entreprises, d’une moindre valeur ajoutée pour la nation, de salaires plus bas distribués à leurs salariés, d’une couverture-sociale quasi-absente pour eux-mêmes. Un groupe qui estime que le travail doit être bien plus récompensé que la spéculation et qui dénonce l’internationale des rentiers, qui de toute ethnie, de tous pays, s’entendent par-dessus leurs concitoyens pour défendre leurs seuls intérêts.

Un groupe qui tiendra un tout autre discours en assemblée. Il expliquera, entre autres, que dans une société apaisée et adulte, chacun doit accepter ses responsabilités. Les salariés se devant de reconnaître l’utilité des entreprises et la valeur des entrepreneurs en tant qu’agents économiques. Des entrepreneurs qui doivent assumer quant à eux leurs obligations sociales et fiscales.

« Un discours que tu devines difficilement convaincant surtout s’il vient après la longue série de litanies dites libéralistes », maugrée Bétépix.

« Je comprends », acquiesce Didactix, « c’est pas gagné !»

« C’est pas qu’on désespère car je suis certain qu’un jour, notre conception des choses apparaîtra comme évidente au plus grand nombre, mais en attendant c’est pas plus mal de s’en griller une petite à la fraîche » dit Péhèmix en reprenant une cigarette.

Soudain, un bruit sourd. « C’est quoi ça ! » s’exclame Didactix en se retournant.

« Oh, rien de grave. C’est Dogmatix qui comme d’habitude espionnait les discussions qui se tiennent dans notre maison et qui vient de tomber de son échelle sociale » sourit Bétépix.

« Oui, je vous espionnais et alors », leur sert un petit personnage hirsute portant des lunettes noires et une chemisette à l’effigie du Che. « De toute façon, vous les patrons, on ne peut pas vous faire confiance, toujours prêts que vous êtes à comploter contre les travailleurs. Mais cela changera un jour. Par la revanche de la classe prolétaire, nous renverserons votre dictature infâme ! »

« Oui, je sais, Dogmatix, pour installer la vôtre de dictature, bien réelle cette fois-ci », répond Péhèmix froidement. « On connaît la chanson camarade. Il faudra juste que tu expliques un peu mieux aux gens comment tu réussis à décréter que les patrons ne sont pas des travailleurs, à décréter que je ne travaille pas, comment dans une société ouverte et libérale comme la nôtre, contrairement aux sociétés de castes de type ancien-regime, tu peux continuer à délirer sur la lutte des classes. Que je sache, il t’est possible de devenir fonctionnaire, où la notion d’exploiteur-exploité est toute relative, artisan, profession libérale ou que sais-je encore de totalement libre ou inexploité. Tu peux même devenir patron hyper-sympa, dirigeant d’une coopérative ou cogestionnaire d’une entreprise collectiviste si cela te chante. Que nous n’ayons pas toujours les mêmes intérêts soit, que des gens se regroupent pour défendre des intérêts communs re-soit, mais de là à décréter la guerre permanente me pousse à te conseiller de passer du café à la tisane mon pote. »

« Ben, oui tiens, et si tu remplaçais le drapeau rouge par le thé de même couleur. Il paraît que c’est plein d’antioxydants. Ça te fera un substitut utile à tes drogues anti-occident, non ? », complète Bétépix.

« Ça ne m’étonne pas de vous, bande d’exploiteurs. Nier le pouvoir que vous avez sur vos salariés, c’est tout vous ça ! » répond Dogmatix.

« Un pouvoir, un pouvoir, faut voir ? Car dans une République, sociale y compris, comme la nôtre, on a surtout des obligations et des responsabilités. T’oublies bien vite que notre pouvoir de direction est tempéré par un Code du Travail tout sauf laconique. Un ensemble de lois que je ne rejette pas, mais que je semble à l’inverse de toi, intégrer dans ma réalité. Car vois-tu, mon cher Dogmatix, contrairement à toi, je ne nie ni la réalité, ni mes droits, ni mes devoirs et surtout pas mes responsabilités. Dis-moi déjà, mon petit Dogmatix, quelles responsabilités assumes-tu déjà ? Ne fronce pas le front à ce point, tu vas te claquer un anévrisme. Et oui, mon gars, surtout n’hésite pas à créer ton entreprise histoire de voir ce que ça fait… C’est ça, tourne-nous le dos, va bouder et n’hésite pas à retomber de ton échelle le jour où t’auras autre chose que des malédictions et autres prières marxistes à nous opposer… Il commence à m’énerver celui-là aussi », conclut Péhèmix agacé.

« Eh ben ! il est plutôt rigolo votre petit camarade », s’esclaffe Didactix, en faisant remarquer, au passage, que la porte du pavillon vient de s’ouvrir sur un personnage qui semble les appeler. « Et oui, c’est notre tour d’intervenir » indique Bétépix d’un clin d’oeil. « Bonne chance » lance un Didactix en forme de salutation.

mardi 18 novembre 2008

CHAPITRE 2 MOBILISATIONS (4/4)



Le père de Syndicaline ouvre la porte et indique à Didactix que celle-ci s’amuse dans la cave avec quelques vieilles machines qu’il avait racheté, une fois à la retraite, lors du démantèlement de l’usine dans laquelle il avait travaillé une bonne partie de sa vie. Des machines que Syndicaline adorait tripatouiller quand gamine, il lui arrivait de retrouver son père, après sa journée de travail.

Une fois descendu l’escalier métallique qui mène à la cave, et qui semble avoir été récupéré, lui aussi, dans l’usine défunte, il y trouve Syndicaline occupée à usiner des petites plaques en acier. Une petite pile étant déposée à ses pieds. « Qu’est-ce que tu fabriques alors que tout le village s’agite dans tous les sens ? ».

« Justement un besoin de calme. À vrai dire, je ne sais pas trop. Une impulsion subite m’a fait fabriquer ces petites plaques métalliques où j’y ai gravé des slogans sociaux. Avec l’aide de Constitutionnix, je compte en faire des armes de jet magiques, au cas où, comme dans le dessin animé Catseyes, que j’adorais quand j’étais gamine. »

« Décidément tu seras toujours une originale. Allez, viens, puisqu’en parlant de Constitutionnix, celui-ci nous attend ».

S’enfonçant dans le parc, où Constitutionnix lui a indiqué qu’il s’y recueillerait, Didactix et Syndicaline tombent sur un kiosque à musique où semble se terminer une réunion d’intermittents du spectacle. L’ambiance a l’air houleuse.

La réunion s’est effectivement mal passée puisque après avoir reconnu Staracademix, celui-ci leur raconte qu’il y a eu un clash. Une partie des artistes accusait une autre d’avoir saboté le système de l’intermittence en le rendant illégitime par son parasitage alors que tout un tas d’artistes en ont vraiment besoin. D’avoir saboté le système avec des maisons de productions qui ont fait d’énormes bénéfices en se servant de façon totalement scandaleuse de ce système de chômage. L’intermittence ayant servi, entre autres, à rémunérer des congés payés et des périodes de travail dites « de préparation », que ces maisons de production auraient dû prendre en charge. Un appât du gain et une irresponsabilité qui a parasité puis fini par détruire un juste système de solidarité.

Un clash qui ne s’est pas terminé par des chansons douces mais plutôt par des noms d’oiseaux sur des airs de gansta-rap. Chaque groupe partant de son côté. Du coup, voici les plus fragiles d’entre eux à la merci du Baron Wendelium qui leur chante « vous avez chanté tout l’été…eh bien ! Dansez maintenant ! »

« Nous qui vivions chichement mais heureux, en proposant nos macarons d’amour, deux tranches de voix, une tranche de cœur, nous voilà trahis par ceux qu’on croyait des nôtres et poursuivis par les sbires de l’Empire de Com. Il ne nous reste plus qu’à reprendre la route, histoire de faire contre mauvaise fortune bon cœur » se lamentent Staracademix et son compère Chantecommuncoccyx avant de quitter Didactix et Syndicaline.

Un Didactix et une Syndicaline qui suivent de loin une autre partie de la Bande d’artistes. Bande qui semble se diriger tout comme eux vers le temple où médite Constitutionnix. Un temple situé en contrebas d’une petite butte, par le sommet de laquelle passe le sentier emprunté par nos amis et d’où ils assistent à l’un des rituels propres au village « Intérêt Général ».

La cime de cette petite butte offre en effet une vue parfaite sur la place centrale du village. Agora où siègent les divinités protectrices de celui-ci. Or à certaines occasions, il arrive que les habitants défilent collectivement devant les divinités Liberté, Egalité, Fraternité et déposent sur les autels de celles-ci, des offrandes que l’on appelle « Tax ». Les « Tax » étant des offrandes réellement magiques puisque ce sont les seules offrandes adressées à des divinités, dont on est sûr de revoir une bénédiction en retour. Des bénédictions en termes de biens publics, de services bien concrets et autres bienfaits solidaires.

La place est illuminée de mille torches portées par les habitants. Les statues et les temples sont éclairés d’éclats dorés. La musique semble rythmer les déplacements de la foule. Un bien beau spectacle qu’il leur faut quitter pour retrouver leur bon druide.

Un Constitutionnix qui a été rejoint par les confrères de Staracademix, qui les précédaient sur le sentier. Il s’agit de la troupe de Tanguix et ses 30 copains. Une joyeuse bande de grands enfants qui a déboulé dans le temple, fagotés de camisettes arborant des icônes protectrices telles que Actarus à bord de Goldorax, Capitaine Flaminus, Albatorix, avec des sucettes en bouche ou à la main, tout en chantant « ce matin, un lapin a tué un chasseur ; c’était un lapin qui ; c’était un lapin qui… »

Constitutionnix bien que préoccupé par la suite des événements, les accueille avec sa bonhomie habituelle. « Mes enfants, je vous vois de bien bonne humeur. Voilà quelque chose de fort agréable. »

Tanguix et ses amis voyant bien que le vieux druide est préoccupé, se proposent de le distraire un peu avec leurs chansons. Le vieux druide accepte, oubliant ses pensées et se laissant entraîner par leur bonne humeur.

Une fois le druide rendu joyeux, Tanguix et ses amis demandent au bon druide une histoire, en retour. « Quelle d’histoire souhaitez-vous entendre, mes enfants? »

« Oh, bon druide, s’il te plait, raconte-nous encore une fois l’histoire de notre déesse-mère, Belle France de la République. Après la discussion mouvementée que l’on a eu avec nos camarades, on ressent comme un besoin de retour aux fondamentaux. »

C’est à ce moment-là que Didactix et Syndicaline entrent dans le temple. Saluant leur druide d’un clin d’œil, ils s’assoyent avec les autres afin d’écouter cette histoire dont ils ne se lassent pas.

samedi 11 octobre 2008

CHAPITRE 3 « BELLE FRANCE DE LA REPUBLIQUE » (1/5)


« Puisque tel est votre souhait, je vais vous raconter l’histoire de notre mère sacrée », répond le druide, le regard brillant, tout en caressant sa longue barbe.

« Vous savez tous, que Belle France de la République est née dans des conditions difficiles. En des temps de pourpre, d’encens et de sang, son père, le dieu Fraternité, s’éprit de la déesse Raison. Ils devinrent très vite inséparables, attachés l’un à l’autre par les chaînes soyeuses de l’amour. Ils voletaient, dansaient continuellement. Au cours de leurs danses amoureuses et noosphériques, ils conçurent Belle France. Or le problème est que Raison travaillait énormément à cette époque. Elle passait beaucoup de temps sur les routes à éduquer les esprits. Cela lui valu bien des tracas et même quelques mésaventures stressantes pour une future jeune maman. Fraternité faisait tout son possible pour la soutenir mais lui aussi avait beaucoup à faire en cette époque. Tout cela eu des conséquences sur la grossesse. Les derniers mois furent très difficiles. D’autant plus que le bébé se présentait de façon inhabituelle. L’accouchement fut compliqué et douloureux. Les déesses Liberté et Egalité virent au secours de Raison mais rien n’y faisait. L’enfant ne parvenait pas à sortir. C’est alors en ce mois de juillet 1789, que l’on dut pratiquer une césarienne pour que Belle France voit le jour. Fraternité s'évanouit. Raison perdit beaucoup de sang. On eut peur de perdre la mère mais elle se rétablit peu à peu. Voilà pour sa naissance.

On aurait pu lui souhaiter une enfance plus reposante mais ce ne fut pas le cas. Belle France dû grandir dans le tumulte. Ses parents habitaient une copropriété divine qui portait le nom d’Europe de Vienne. A l’époque la mode chez les dieux était de vivre en collectivité dans des immeubles construit un peu rapidement. C’était un immeuble d’une vingtaine de logements séparés en deux ailes. Une aile Ouest et une aile Est. La qualité de la construction n’était pas géniale. Les cloisons étaient fines et fragiles et l’on entendait tout ce qui se passait chez les voisins. Or à cette époque, ça s’engueulait pas mal. Les temps étaient querelleurs et les crises fréquentes. Ainsi Belle France du grandir au milieu des cris de la collectivité. Elle en retira une tendance facile aux migraines ophtalmiques, la rendant un peu cyclothymique. Cependant, cela ne l’empêcha pas de devenir une belle enfant espiègle, curieuse et intelligente. Puis de devenir une belle jeune femme aux formes généreuses. Une jolie chevelure châtain lui courait sur le visage, soulignant son superbe regard brun.

Son cousin Germain, en pleine adolescence lui aussi, n’arrivait pas à décrocher ses yeux bleus des formes harmonieuses de sa cousine. Le désir brûlait son jeune esprit immature. Il tenta donc de séduire sa cousine. Par contre il le fit comme tous les adolescents mâles, même divins. Chaque fois qu’il la croisait dans les couloirs de l’immeuble, il lui tirait les cheveux. Belle France répondait en lui donnant des coups de pieds dans les tibias et en courant. Néanmoins elle n’était pas dupe. Elle était consciente de l’intérêt que lui portait son cousin. D’ailleurs elle n’était pas insensible à son charme. Pour Germain elle lui semblait complètement déconcertante. Un jour, elle lui souriait. Le suivant, elle le tançait du regard et se moquait de lui. Ce régime de douches calédoniennes (écossaises) finit par agacer et frustrer Germain.

Un soir, blessé et lassé de l’intempérance gallo-romaine de Belle France, Germain, entraîné par des copains fit le tour des bars divins, « Au Walhalla », « chez Ambroisie », « Hydromel Immortel », histoire de noyer son malheur dans le schnaps, entre autres. C’était un soir noir comme le charbon. Alors qu’il rentrait bien imbibé, il prit l’allée des Ardennes et passa ainsi sous la fenêtre de Belle France. Celle-ci n’ayant pas sommeil, regardait par la fenêtre les nouvelles étoiles éclairées au gaz cosmique. Elle était de bonne humeur et voyant son cousin, elle sortit à sa rencontre afin de le saluer. Germain, la voyant arrivé, fut surpris et recula d’un pas mal assuré comme s’il s’agissait d’une réaction instinctive devant cette image obsédante qui le rongeait.

Belle France, bien que joyeuse, remarqua très vite l’état lamentable dans lequel se trouvait son cousin et ne pu s’empêcher de le sermonner vertement. Les reproches de Belle France étaient la goutte de cervoise qui faisait déborder la corne à boissons. Ils résonnaient dans la tête de Germain comme des coups de canon, les questions de la Sainte Inquisition. Pris de folie, Germain se jeta de rage sur Belle France. Il la gifla et commençait à déchirer son chemisier. Belle France se débattait, lui demandant d’arrêter mais Germain n’entendait rien. En lui mordant le petit doigt, elle réussit à se dégager de ses griffes d’aigle. Germain se retrouva un long moment paralysé par la douleur de la morsure et surtout par l’image de sa cousine en larmes, la poitrine dénudée. Belle France pleurait de rage et lui criait « pourquoi as-tu fait ça ? Pourquoi ? » Elle le giflait, lui tambourinait le torse sans cesse.

Germain revint à lui. Il était en colère contre lui-même, culpabilisant, mais aussi contre cette déesse qui le rendait fou. Il finit par saisir le bras de Belle France qui tentait de le frapper encore une fois et la repoussa violemment, la projetant ainsi à terre. Puis avant même qu’elle n’atteigne le sol, il partit en courrant, pour la fuir. Belle France s’abattit lourdement sur le sol, le bas du dos heurtant un rocher. Elle saigna abondamment. C’est cette nuit là qu’elle perdit l’usage de ses reins.

vendredi 10 octobre 2008

CHAPITRE 3 « BELLE FRANCE DE LA REPUBLIQUE » (2/5)


Ce qu’ignoraient Germain et Belle France, c’est que la scène avait eu un témoin. Un témoins qui avait assisté à tout cela avec un mélange de sentiments. La peur qu’elle ressentît pour eux s’était mêlée à une sorte d’intérêt malsain et à un détachement mélancolique, souvent remarqué chez ce personnage. Il s’agissait de Jolie Princesse d’Avalon, très étrange, à ce que l’on dit. Chose qui lui viendrait de son ascendance. En effet, elle est l’un des rares dieux à avoir du sang elfique dans les veines, contrairement aux autres dieux habitant « Europe de Vienne » qui furent créés par l’être suprême à partir d’essences humaines. Différente des autres divinités, on la craignait ou on l’évitait dans l’immeuble, en même temps qu’on se surprenait à admirer cette beauté d’albâtre. Ce faisant elle se retrouvait ainsi condamnée à vivre sur une île affective, sans pouvoir toucher ni les côtes, ni les cœurs des autres divinités, assistant dans son coin aux amours naissants des autres dieux et au mûrissement des fruits de ces amours.

Bien évidemment, une telle malédiction ne pouvait que produire des frustrations et de la mélancolie. Ce à quoi s’ajoutait chez elle une certaine aigreur et des tentations perfides à l’encontre de ses voisins, aussi noble fut elle par ailleurs. Tout cela détermina, du coup, et alors qu’elle grandissait tout comme les autres jeunes divinités, deux de ses passe-temps préférés.

Tout d’abord voguer sur les océans à la recherche de côtes charnues à caresser et de divinités qui la comprendraient enfin. Ensuite à jouer de ses charmes étranges pour semer la zizanie dans l’immeuble, à chaque fois qu’elle revenait de voyage et s’ennuyait un peu.

C’est donc elle qui assista, à travers la fenêtre de sa chambre plongée dans l’obscurité, aux déchirures amoureuses entre Belle France et Germain. De quoi lui donner des idées.

Suite à cet épisode dramatique, les sentiments entre Belle France et Germain passèrent de l’amour névrosé à la haine avec l’attirance restant pour dénominateur commun entre ses deux sentiments.

Puis vint le temps des études. Germain partit dans une Académie militaire comme beaucoup de jeunes dieux de son époque. Belle France choisit quant à elle de faire des études d’ethnologie ethnocentriste, assez en vogue, aussi à l’époque. Aussi ils s’évitèrent pendant quelque temps.

A la fin de leurs études, ils revinrent dans l’immeuble familial. Jolie d’Avalon qui s’ennuyait ne trouva rien de mieux que d’organiser une petite soirée spéciale voisinage sur le thème du Maroc. Elle profitait de l’absence de tous les parents qui étaient partis faire de la randonnée pédestre chez oncle Zeus dans le mont Olympus. Tous les jeunes dieux acceptèrent. Rendez-vous fut donné ver 19 heures. Le point de rencontre était l’appartement de Jolie d’Avalon mais consigne était donnée de laisser toutes les portes d’appartement ouvertes histoire de pouvoir déambuler dans les couloirs et les appartements de tous les dieux Bien évidemment Belle France et Germainn qui ne s’étaient pas revus depuis longtemps, furent invités. Par conséquent ça na pas raté !

A 19 heures tout le monde était presque arrivé. Il ne manquait plus que Belle France. Elle arriva à 19H04 aux bras de Romain qui s’était laissé convaincre par elle de venir. Le sang de Germain qui méprisait Romain ne fit qu’un tour. Son humeur vira au très sombre. Le sang lui battait les tempes et les joues au point que les cicatrices de son visage, qu’il avait gagnées lors de duels de lames à l’académie, s’ouvrirent. Son visage se couvrit de sang bleu.

Romain se sentit gêné pendant que Belle France regardait Germain avec mépris. Le regard torve de Belle France cinglait le cœur de Germain. Jolie d’Avalon se délectait de ce spectacle tout en conservant le masque de l’indifférence. Germain ne tint pas longtemps. Il se rua sur le couple de circonstance, éjecta Romain d’un violent coup d’épaule et gifla Belle France tout en la traitant de « salope ! »

Celle-ci encaissa le coup sans broncher puis lui décocha un violent coup de pied retourné, sauté en pleine mâchoire qui envoya Germain s’étaler tête la première sur un beau canapé cuir fait par Weymar, un esprit au service des dieux. Le cuir se déchira. La stupeur fut générale. Belle France avait appris le Viet Vo Dao, un art martial, lors d’un voyage chez des divinités indochinoises. Germain sortait la tête du canapé le souffle coupé tout comme Belle France qui s’était froissé un muscle en donnant son coup de botte sécrète. Eh oui ! Même les dieux ont besoin de s’échauffer correctement avant un combat. Il était 19H29. Le tumulte de l’appartement avait gagné les couloirs de l’immeuble et Belle France ainsi que Germain retrouvaient leurs esprits.

Jolie d’Avalon se trouvait un peu gênée par cette situation hors de tout contrôle. Elle ne sauvait que faire. Le tumulte s’étendait de minute en minute.

Germain insultait à tout va, provoquait tout le monde en duel. Il entra dans une colère brune quand quelqu’un lui déchira sa jolie veste de chez Dantzig. Il ne savait qui avait osé lui déchirer son beau costume d’apparat. Il lui fallait du coup se défouler sur quelqu’un. Il trouva rapidement sa victime.

Benlevy, un grand esprit, serviteur de l’être suprême s’était gentiment proposé d’apporter de la musique et des spécialités orientales. Germain le voyant arrivé se déchaîna sur Benlevy, qu’il détestait pour ses qualités, sans que Benlevy n’ait eu le temps de comprendre ce qui lui arrivait.

Germain enchaîna les coups de titans entraînant Benlevy dans le couloir. Les coups étaient terribles. Ils résonnaient comme du cristal que l’on déchire. Personne n’osait s’interposer. Chacun cherchant plutôt à éviter les éclairs que Germain lançait tout autour de lui. Germain laissa Benlevy gisant dans le couloir, quasi anéanti.

Sa rage n’étant pas tarie, il retourna dans l’appartement de Jolie d’Avalon s’attaquer à tous en même temps. D’où pouvait provenir cette fureur démentielle. D’une main, il tenait Belle France par la gorge. L’autre main s’abattait sur tout le monde. Jolie d’Avalon couru alors vers la fenêtre et appela les voisins de l’immeuble d’en face à l’aide. Ceux-ci se réveillèrent et s’apprêtaient à intervenir.

Alors que les cris devenaient des rugissements et que les éclairs de Germain secouaient jusqu’aux fondations de l’immeuble, l’inattendu se produisit.

Tous les parents étaient partis chez oncle Zeus, sauf la grand-mère qui était restée alitée suite à une surprenante rougeole. Il s’agissait de grand-mère Parouskaya qui habitait l’aile Est de l’immeuble. Elle fut réveillée en plein sommeil réparateur par tout ce tumulte en même temps que se réveilla avec elle son caractère ursidé. Aussi elle partit rouge de colère, corriger tous ces jeunes dieux irrespectueux, après avoir pris son bon gros rouleau à pâtisserie.

Germain s’agitait encore comme un vilain diable. Le voyant, elle se rua sur lui et lui molli les genoux d’un bon coup de rouleau à pâtisserie. Les voisins des immeubles alentour arrivèrent eux aussi. Tous ensemble, ils calmèrent le Germain. Fin du drame.

jeudi 9 octobre 2008

CHAPITRE 3 « BELLE FRANCE DE LA REPUBLIQUE » (3/5)


S’en suivirent de grandes discussions afin de dénouer les malentendus et pacifier la situation. Des divinités guérisseuses soignèrent tout ce divin monde. L’une de ces divinités guérit même lors de cette occasion, grâce à une nouvelle technique, les reins meurtris de Belle France qui en récupéra l’usage.

Germain dessaoula peu à peu. Au fur et à mesure qu’il prenait conscience de ses actes, sa conscience protesta si fort qu’il faillit en être brisé de culpabilité. Il ne savait pas comment faire pour réparer tous les méfaits monstrueux qu’il avait causés. Ses yeux s’embuaient et on put le voir tomber soudain aux pieds de Belle France, lui implorer son pardon, lui dire qu’il l’aimait à en haïr tout le reste du monde, qu’il n’avait jamais voulu lui faire du mal. Germain pleurait. Belle France fondit elle aussi en larmes. Le médaillon protecteur qu’elle portait autour du cou, qui renfermait l’esprit de l’orgueil latin, s’ouvrit et laissa s’évanouir une petite nuée magique. Belle France s’avouait enfin les sentiments qu’elle avait pour Germain. Ils tombèrent l’un dans les bras de l’autre, se confondant en excuses et en baisers. Décidément, entre eux deux, c’est fusionnel.

Quelque temps plus tard, nos deux tourtereaux décidèrent de s’unir devant les aïeux du Panthéon indo-européen. Pour célébrer la noce, ils choisirent l’oncle Vulcain, le dieu du charbon et de l’acier. La cérémonie fut sobre mais émouvante.

Dans son coin, Jolie d’Avalon était heureuse que cela se finisse ainsi mais si elle vivait encore plus mal son isolement affectif. Elle n’avait même plus de nouveaux horizons marins à explorer afin de compenser un peu. Ce faisant, elle restait toute la journée enfermée dans son appartement. Elle s’occupait de moins en moins du peuple humain dont elle était l’esprit tutélaire. Elle laissait son jardin à l’abandon. Ses pommiers étaient beaucoup moins chargés en fruits goûteux. Elle restait là à observer l’amour fertile des autres divinités et surtout celui de Belle France et Germain. Des enfants issus de leur union s’incarnaient chez les deux peuples dont ils avaient la garde. C’est ainsi que l’aigreur reprit progressivement le contrôle de l’esprit de Jolie d’Avalon dans lequel s’esquissait déjà des stratagèmes de zizanie.

Fort heureusement cela n’échappa à aucun observateur attentif et surtout pas à nos deux amoureux. Alors qu’ils discutaient, après un moment intime, des événements passés, ils se demandèrent ce qu’ils allaient bien pouvoir faire de jolie d’Avalon. Il devait bien y avoir un dieu avec qui la caser. Elle était quand même loin d’être vilaine et il devait bien y avoir une solution à sa malédiction, se disaient Belle France et Germain. Nos deux complices se regardaient tout en réfléchissant à la question.

Soudain, un éclat coquin éclaira simultanément leurs deux regards. « Ça pourrait être sympa », se dirent-ils. Et ni une, ni deux, Belle France et Germain s’en allèrent voir Jolie d’Avalon pour lui proposer un plan à trois. Nos deux amants avaient déjà tout essayé en sexualité divine à deux et Belle France avouait avoir rêvé à plusieurs reprises qu’elle mordillait les petits seins durs de Joli d’Avalon. Elle imaginait l’odeur ambrée de son intimité. Germain, lui, s’avouait excité par cette beauté froide, par son port altier, une certaine fragilité, sa chevelure délicatement rousse et surtout sa peau étonnement blanche, un blanc fluorescent comme du lait de licorne. Il rêvait de la caresser longuement et de la dégeler sous les coups de boutoir.

Jolie d’Avalon resta bouche bée. Elle rougissait vivement à mesure que sa bouche se refermait. Elle ne su pas quoi répondre. Personne n’avait jamais osé l’aborder ainsi. Belle France ne lui laissa pas le temps de se perdre dans son trouble. Elle s’approcha d’elle, lui caressa le visage puis ses longs cheveux jusqu'aux seins sur lesquels elle s’attarda délicatement.

Jolie d’Avalon frissonna sans pouvoir se contrôler et se laissa entraîner dans son propre appartement par nos deux amoureux.

Mes enfants, la suite fut d’un rare torride. Je vous laisse d’ailleurs imaginer cette suite. Le ménage à trois se mit en place. On créa même un passage entre l’appartement de notre couple et celui de Jolie d’Avalon qui gagna en joie de vivre.

Néanmoins elle se savait inféconde. En l’état actuel des sciences supranaturelles et divines, elle ne peut pas avoir de descendance. Ceci explique que parfois encore, ses vieux démons la saisissent, et qu’elle offre alors à Belle France et à Germain de grandes crises de nerfs ou de jalousie. Toutefois notre couple s’y est habitué. Voilà mes enfants», conclut Constitutionnix.

« Houa ! Oh ! Quelle histoire ! » S’exclament Tanguix et ses amis. Merci beaucoup constitutionnix.

« Nous aimerions bien savoir comment tu peux être au courant de tout cela mais je suppose que tu ne diras rien à ce sujet » conclu Tanguix.

« Tout juste mon jeune ami ! » ponctue le druide.

mercredi 8 octobre 2008

CHAPITRE 3 « BELLE FRANCE DE LA REPUBLIQUE » (4/5)


Ils continuèrent après cela à discuter pendant un certain temps, jusqu’au moment où les sucettes et autres friandises leur vinrent à manquer. Ce fut le moment où ils retournèrent se coucher après avoir saluer respectueusement Constitutionnix.

Constitutionnix décide lui de rester encore quelques instants tout seul, pensant à la beauté de Belle France de la république.

Puis il se retire pour tenter de dormir un peu. Un échec. Pas moyen de se débarrasser de cette boule au ventre qui le tenaille. Rien n’y fait. Il sent des mauvaises ondes en trop grand nombre. Il sent les forces de Dark Speculator grandir et ses armées gronder dans les entrailles boueuses des terres du fief du Baron Wendelium.

Il a raison car la tourbe froide du côté d’Argentocrate et de Devisesdurum va bientôt lâcher sa fureur. Vont-ils pouvoir y résister ?

Pendant la nuit, qu’il aura fort agitée, Constitutionnix connaîtra toutefois un court moment de bonheur. Dans un bref rêve, Belle France vient lui déposer un doux baiser sur le front, en lui disant que seul le voyage compte, de faire ce pour quoi nous somme faits et qu’il ne doit pas s’inquiéter pour le reste. Cette douce apparition calme un peu son sommeil turbulent, mais malheureusement ce n’est que trop peu. Ses entrailles se tordent et le brûlent. Il n’est pas le seul.

Pendant cette nuit, Staracademix fait lui aussi trois rêves étranges.

Il rêve d’abord d’un plateau parsemé de monticules de pierres, des gros et des petits. Des gens vont et viennent prenant des pierres dans les petits monticules pour les placer sur les gros tas de pierres.

Il rêve ensuite d’une plaine parsemée de tertres aux reflets dorés. Ces tertres se transforment en tas de fumiers nauséabonds et purulents où se mettent à pousser subitement de magnifiques fleurs.

Il rêve enfin d’une vaste prairie ensemencée de blé. De superbes gerbes en sortent et grandissent jusqu’à ce qu’une nuée de criquets s’abattent dessus. Alors qu’ils ravagent les champs de blé, de grands et majestueux corbeaux blancs fondent sur les criquets et les dévorèrent tous.

Staracademix se réveillera en sursaut à la fin du troisième rêve pour ne plus fermer œil de la nuit tant il cherchera une explication à ses songes.

La nuit se passe ainsi. Au matin, le Soleil réussit péniblement à déchirer les coutures de l’horizon. Accompagnant du regard ce geste solaire, Constitutionnix sent se rependre, de derrière le rideau nocturne, des vibrations maléfiques. Des vibrations qu’il reconnaît très vite. « Non, pas elle ! » s’écrie-t-il.

BadBercix le Grix, sûr de lui et sans même attendre la bataille, vient de sortir de sa Manche, nom que porte son chaudron magique, un joker supplémentaire. À l’évidence, il s’est allié avec la très vilaine sorcière aux tâches de roussi sur la figure. Il s’est allié avec Thatcheria la Vilaine, fille de Mordred le Grizoux, le mauvais esprit de la Tourbe des brumes.

Constitutionnix comprend maintenant le malaise de la nuit passée. Son corps avait voulu le prévenir de cette redoutable présence. C’est que Tatcheria la Vilaine a déjà de grands passifs à son actif. Elle a semé la calamité dans les terres de brume. Telle une vulgaire sauterelle, Tatcheria la Vilaine a ravagé les pommiers du joli jardin de la princesse Avalon.

Contitutionnix voit la scène comme s’il y était. Thatcheria la Vilaine s’approche de BadBercix en psalmodiant de sa voix de vieille sorcière, les yeux exorbités, sa vieille rengaine « brisez-les, cassez-les ! Cassez-les, brisez-les ! Et laissez-les pourrir sur la grève ! »

Au même moment, à quelques lieues du village, dans une morne plaine jusque là joyeuse, retentit le son du cor de Monseigneur le Bossu du Poitou, ce qui alarme les vigies de notre bon village.

Des armées pleines de hargne, chauves et droites dans leurs bottes sortent du fort « Fondepensium » et s’avancent en ordre de bataille. Aux premiers postes se dressent leurs étendards. Deux d’entre eux impressionnent plus particulièrement nos amis, partis en reconnaissance avec les vigies du village.

Celui de Monseigneur le Bossu « d’azur bretessé au Blinky de gueules » (bleu maison, crénelé sur les bords, décoré d’un vilain fantôme-pacman rouge).

Celui du Baron Wendelium stupéfie Constitutionnix. A l’évidence, le Baron a réussi son pari. Aux premiers postes s’élève en effet l’étendard « de gueules à trois marteaux d’or » (trois marteaux d’or sur fond rouge). Ni plus, ni moins que l’étendard maléfique fabriqué par les filles des forges. Un fléau d’armes horrifique qui ne demandait qu’à être réveillé et qui demande maintenant à boire du sang vigoureux et pas trop cholestérolique de travailleur.

L’étendard maléfique, Thatcheria, Televisium occupé, cela fait décidemment beaucoup trop. Par-dessus tout ça, le village qui se trouve désormais cerné, isolé, et Constitutionnix qui n’a plus tous les ingrédients nécessaires pour préparer la potion magique. Une catastrophe. Sans oublier que ses pouvoirs magiques sont encore bien trop diminués pour tenter quelque chose. Il culpabilise...

lundi 6 octobre 2008

CHAPITRE 3 « BELLE FRANCE DE LA REPUBLIQUE » (5/5)


Didactix, sentant l’état de son vieil ami, lui demande, histoire de lui occuper l’esprit, de leur confectionner un bel étendard magique pour eux aussi. Par chance, cette idée plait à Constitutionnix. Il se sent de nouveau utile. Ils rentrent alors au village et Constitutionnix se met en quête des ingrédients nécessaires pour concrétiser son idée.

Pendant ce temps Syndicaline et Didactix décrivent la situation de crise à tous leurs camarades. Suite à quoi, on s’active avant de se retrouver autour de notre bon druide pour assister à la naissance de l’étendard magique.

En guise d’ingrédients, Constitutionnix demande à Germinalix de lui procurer du charbon sacré de l’Est, du charbon ayant reçu les pleurs et le sang des mineurs. Se sera chose faite. Il demande à Métalurgix de lui fournir une serpe en inox et un flacon d’essences de sueur ouvrière. Ce sera chose faite. Agricultrix ayant toujours avec lui des amphores remplies de terre bénite, de la bonne terre rousse des champs Parisii, il lui en offre une pleine amphore. Plus que le lin sacré tissé par les petites mains des fées de la grande forêt et presque tous les ingrédients de l’étendard magique seront réunis.

Malheureusement personne dans l’assemblée ne dispose de lin sacré. Malheur ! Il manque l’ingrédient essentiel, le tissu vivant pour l’étendard. Comment s’en procurer ?

Constitutionnix cherche une solution. La foule fait de même. Mais le temps passe sans qu’aucune solution n’apparaisse. Alors que le feu sous le chaudron magique s’affaiblit et que le regard de Constitutionnix s’assombrit, voici qu’à l’une des extrémités de l’assemblée, on s’agite.

Constitutionnix, Syndicaline, Didactix et d’autres camarades tournent leurs yeux vers le lieu d’où provient le tumulte. Mais ils ne distinguent que les premiers rangs d’une foule impatiente. Cependant l’agitation se rapproche. Ils distinguent maintenant comme un frémissement au-dessus des têtes. Oui l’agitation se rapproche.

Soudain, nos amis doivent baisser les yeux. Un puissant halo de lumière enveloppe les premier rangs. La foule s’ouvre alors pour laisser passer comme une nuée de lumière floconneuse. Après que les yeux se soient habitués, ils peuvent voir qu’une colonne composée d’une centaine d’infirmières se trouve là, devant eux. Elles portent sur elles des blouses tissées avec du lin sacré.

Didactix reconnaît Blousedhermine, une amie d’enfance, qui dirige la colonne avec trois de ses copines, blousecoquine et Blousalbine. Sans mot dire, elles s’approchent du druide et dignement otent leurs blouses. Nues, elles tendent leurs habits sacrés à Constitutionnix. Ce qu’elle peuvent être sublimes, posant ainsi. De dignes filles de Belle France de la République. Même sans blouses, les nuées de lumière les enveloppent encore.

La foule est totalement hypnotisée, subjuguée par ce spectacle comme si elle etait le témoin d’un mystère osirien, d’une cérémonie réservée à de très hauts initiés. Didactix émerge le premier de cette stupeur collective. Il lance alors à l’assemblée un vibrant ; « camarades ! Haïe d’honneur ! Bas les yeux ! Un genou à terre ! »

La foule s’exécute respectueusement comme Moïse devant le buisson ardent. La colonne d’infirmières repart ainsi, sans mot dire, le port altier, drapée dans la même lumière qui les avait accompagné à l’aller, dans le seul bruissement délicat de leur pas caressant le sol et de leurs cuisses qui se frôlent.

Blousedhermine, Blousecoquine et Bloualbine ferment la marche comme elles l’ouvrirent. C’est alors que Didactix ne peut réprimer plus longtemps un bref regard sur ces buissons aussi ardents que sacrés. Nos trois vestales, non vierges, de Belle France le remarquent. Didactix s’attend à être transformé en statue de sel. Mais au lieu de ça, elles le saluent d’un sourire coquin accompagné d’un petit clin d’œil. Un frisson parcourt l’échine de Didactix, un frisson source de rougeurs et raideurs.

Constitutionnix prend enfin, tous les ingrédients et remercie humblement ses amis. Il les fusionne tous dans son chaudron magique. Après les incantations d’usage, sort du chaudron un bel étendard.

Chaque étendard magique naît comme un esprit dans l’univers des puissances divines. Il naît avec sa volonté propre, ou plutôt avec la volonté profonde de ceux qui l’ont désiré et avec des pouvoirs liés à sa personnalité.

Tout le village assiste à la naissance du bel étendard. Il nait du chaudron et en s’étirant révéle son visage. Tout le monde rit de bon cœur en le voyant. Tout le monde reconnait sa paternité et s’attache instantanément à lui. Il passe de bras en bras. On le caresse tendrement. On lui chante des chansons. C’est l’étendard « de sable au poing fermé et au majeur triomphant de gueules » (Un beau doigt d’honneur rouge sur fond noir).

Lignesix et Locomotrix se proposent de porter les premiers, dés cette journée, l’étendard du village au devant de Blinky. Après une journée de marche, ils arrivent sur le terrain des basses manœuvres de Monseigneur le Bossu, alors que le soir pointe son nez ivre à l’horizon.

Une fois face aux positions missionnaires de l’ennemi disposé en ailes écartées, ils hissent leur grand étendard. Celui-ci se gonfle du souffle du soleil couchant. Notre bel étendard s’emplit de vermeil ainsi que d’une fierté auréolée de gloire. L’étendard en bombant sa voile grandit de plusieurs mesures au point que nos amis commencent à plier sous sa stature.

En réponse, le Blinky de l’étendard adverse, portée par les avant-postes, montre ses crocs. Ses babines se crispent un temps puis tremblent. Il se trouve mis au majeur par notre étendard et cela la trouble. Le trouble l’emporte. Il se met à rire d’angoisse puis baisse la tête, en proie au doute. Les avant-postes voyant leur étendard la mine défaite perdent de leur superbe. Puis une rumeur se lève et se propage, telle une Ola, jusqu’au camp où se bâfre l’état major de Démagogix.

Au son de la rumeur, sans même comprendre ce qui se passe, l’état major frissonne de peur. Un doute les secoue. La fureur du couard les saisit. En bons couards, ils tremblent frénétiquement. Leurs couronnes dentaires éclatent sous les claquements de dents. Leurs implants capillaires tombent sous le stress. Leurs pacemakers jouent de la boite à rythme. Ils jouent le grand air de la « tachycardie. » Agrippés à leurs maroquins, ils attendent que le sortilège cesse…