jeudi 11 septembre 2008

CHAPITRE 4 « LES FILS DE LLOEGR » (1/5)


Thatcheria entre dans la pièce où se tient l’assemblée atteinte de tremblante. Elle y entre courbée tout en jetant un regard affligé sur cette assemblée. Elle a vite compris la situation, un peu comme si elle revivait un lointain souvenir. Se redressant, elle tend ses mains griffues vers eux, les caressant, les rassemblant dans l’ombre portée de ses serres de vieille corneille carnivore. Ouvrant son bec de collagène, elle s’adresse à Monseigneur le Bossu en des termes qui se veulent rassurants.

« Monseigneur, ne crains pas la rumeur populacière. Hisse donc tes drapeaux et abats ta colère sur la nuque de tous ces renégats. Je te le promets, écoute-moi ; la victoire est à toi si tu procèdes comme mes ancêtres, les fils de Lloegr (ancien nom donné aux tribus anglo-saxonnes avant de devenir les Anglais après la conquête de l’île des Bretons). »

Se dirigeant vers toute l’assemblée, d’un ton sec comme un claquement de bec elle leur dit : «Avez-vous déjà entendu le son des nobles noms de Henguist et Horsa, ces deux fiers rois, sortis de ventre de Lloegr ? Non ! Dans ce cas écoutez comment mes pères ont posé le joug sur le cou bovin des viles Kymri (Bretons) et de tous les autres ruminants de l’île de Bretagne. »

Les regards sont interrogateurs. Quel rapport peut-il bien exister entre la conquête de l’île de Bretagne par les Anglo-saxons et la réaction houleuse des habitants d’Intérêt Général au projet de reforme du système des retraites ? Thatcheria prend une chaise où elle s’assoit avant de déclamer ce qui suit.

« Il y a de ça quinze siècles, le pleutre Vortiguern, roi des Kymri, s’allia aux premiers Lloegriens qui débarquaient sur l’île de Bretagne afin de mener une guerre contre les Pictes (tribu d’Ecosse). Grâce à cette alliance, il gagna sa guerre avant d’en perdre une bien plus importante. En effet, en échange de son aide, le noble Henguist, roi lloegrien, obtint du pleutre Vortiguern, deux choses. Primo, un promontoire sur la côte Est de l’île où Henguist allait bientôt installer un fort imprenable qui lui servirait de tête de pont à ses projets d’invasion. Deusio, les services du plus grand artisan de l’île de Bretagne, ceux de Gwyar le mélancolique. Gwyar appartenant à Vortiguern, il le céda à Henguist qui connaissait la réputation de ce grand artisan, celle de celui qui était capable de donner vie à des armes magiques ou à des chaudrons enchantés. Tout en livrant Gwyar à son nouveau maître, Vortiguern expliqua à Henguist qu’il ne devait jamais offenser le plus grand des forgerons, ni le brusquer dans son ouvrage, faute de quoi il n’obtiendrait rien de bon de ce fier artisan.

Henguist suivit le conseil de Vortiguern. Toutefois Gwyar, qui se languissait de son clan, n’avait pas le cœur à l’ouvrage. Il fabriqua bien quelques magnifiques pièces, mais cela était loin de contenter Henguist. Celui-ci chercha alors un moyen de faire oublier à Gwyar le souvenir des siens et de son pays. Après y avoir réfléchi, il décida d’emmener Gwyar de l’autre coté de la mer, dans les terres de tourbe qui avaient vu naître les Lloegriens.

Là-bas, il lui fit construire une magnifique forge mais surtout il lui donna pour épouse l’une de ses cousines, Olga la rousse, l’une des plus belles femmes du clan. Il espérait ainsi distraire l’esprit mélancolique de Gwyar et lui faire oublier le destin des armes que le forgeron usinerait ; le massacre des siens. Un échec puisque les bras de Gwyar demeuraient lourds de nostalgie. Un échec jusqu’à ce que Olga la rousse lui donna un fils. Cet enfant le rendit plus leste mais pas assez au goût de Henguist. Gwyar passait en effet beaucoup de temps avec son fils, à qui il avait donné un prénom Kymri, Melgwin. Gwyar lui enseignait ce qu’il appelait les trésors de l’enfance, lui montrait les soi-disant joyaux de la vie, les secrets de la nature ; des fadaises de Kymri. En grandissant, Melgwin reçu surtout de son père son art, une chose qui plut à notre roi Henguist, à plus forte raison qu’il sentait également grandir dans le cœur de Melgwin quelque chose qui échappait à son père Breton, à savoir la force du sang lloegrien transmis par sa mère...

mercredi 10 septembre 2008

CHAPITRE 4 « LES FILS DE LLOEGR » (2/5)


Pendant que Melgwin grandissait, notre grand Henguist trouva la mort en Bretagne. Horsa, son fils, reprit alors le flambeau de la conquête de ce qui devait devenir notre île. Un flambeau que Horsa reprit avec plus de force encore que son père. Or pour ce faire, il lui fallait des armes à sa taille mais également à celle de ses fiers compagnons. Aussi, avant de partir vers l’île de Bretagne venger la mort de son père, Horsa exigea de Gwyar qu’il lui fournisse beaucoup plus d’armes. Il les voulait pour son retour afin de préparer la prochaine campagne. Gwyar n’en fit rien. À son retour de Bretagne, un juste courroux se réveilla dans le cœur d’Horsa. C’en était assez !

Sa tante Camilla, à la tresse dorée, remarquant son état lui offrit le conseil et la douceur de ses cuisses. Horsa apaisé conçut un beau projet. Il décida d’empoisonner cet inutile de Gwyar et de faire croire à son fils Melgwin que des druides kymri avaient traversé la mer pour tuer son père afin qu’il ne respecte pas sa parole.

Le trouble et la colère voilaient désormais le cœur du jeune Melgwin. Horsa put ainsi lui demander ce qu’il n’obtenait pas de Gwyar, et plus précisément sous la forme d’un défi que son sang lloegrien de quinze ans ne pouvait pas refuser.

En échange de 1000 épées invincibles qu’il devait produire en 20 ans, il lui promettait 100 vierges lloegriennes, aux grands yeux bleus et aux longs cheveux de soie.
Contre 20 chaudrons inépuisables, à produire en 10 ans, il recevrait le poids de toute sa famille en or.
Enfin, s’il lui fournissait 10 talismans d’invulnérabilité au cours de dix autres années, il pourrait choisir soit de gouverner avec Horsa le royaume de Bretagne soit 30 années de repos absolu, pendant lesquelles tous ses désirs ainsi que ceux de son clan seraient satisfaits. Par contre, il devait faire son choix avant de débuter son dernier travail.

Ainsi, Melgwin s’enferma nuit et jour dans l’atelier de son père, développant son art chaque jour un peu plus. Il produisit, au cours des deux décennies prévues, les 1000 épées aussi invincibles et mordantes que les dents d’un dragon. En récompense, il reçut les cent vierges promises. Les noces durèrent toute une année, année au cours de laquelle il put honorer ses épouses et se reposer de vingt années d’un bon labeur.

Puis il s’attela à son oeuvre suivante. Jour et nuit, il s’acharna à fabriquer les 20 chaudrons promis. Pendant ces dix années naquirent également et grandirent ses 100 enfants, 50 fils et 50 filles. Une bonne chose pour Melgwin et pour nous autres Lloegriens, car la mauvaise pour lui était que le jour où les 20 chaudrons furent livrés à notre roi Horsa, le corps de Melgwin craquelait déjà. Les faiblesses de ce qu’il y avait en lui de Kymri se révélaient. C’est ainsi que Melgwin choisit en échange du dernier travail, la fabrication des 10 talismans d’invincibilité, 30 ans de repos absolu.

Et pour exécuter son dernier travail, il décida de prendre avec lui, dans son atelier, ses 50 fils. Il leur enseigna son art et tous ensemble, ils tentèrent de fabriquer les 10 talismans d’invulnérabilité. Péniblement, à force de sorts, d’efforts et de sueur, ils les façonnèrent. Au bout des 10 années, les 50 fils de Melgwin sortirent de l’atelier, la face affreuse, certains d’entre eux portant à bouts de bras parfois brisés les précieux talismans. Melgwin venait quant à lui de périr, le marteau à la main. Ses fils, ridés, brisés, avaient vieilli de 50 ans, en dix ans de forge.

Le roi Horsa, à la longue barbe désormais, sourit en les voyant sortir. Il ordonna à cette occasion que les cinquante filles de Melgwin soient distribuées aux plus vaillants de ses guerriers. L’île de Bretagne serait bientôt conquise en même temps que se tarirait le sang de Gwyar, le plus grand artisan Kymri de tous les temps. »

mardi 9 septembre 2008

CHAPITRE 4 « LES FILS DE LLOEGR » (3/5)


Thatcheria termine ainsi cette histoire. Drôle d’histoire. L’assemblée émerge d’ailleurs du récit franchement hébétée. Girondix, dit Monseigneur le Bossu, regarde même Thatcheria avec un air tout penaud. Après un long silence, n’en pouvant plus, il lui demande la morale de l’histoire.

« J’en étais sûre » dit-elle tout en le cinglant d’un éclair rétinien on ne peut plus méprisant. Puis se calmant, elle lui assène, «si tu veux faire produire, si tu veux l’or qui transpire du sang et de la sueur des gueux, mets-y trouble et colère et promets-leur l’or et le repos qu’ils n’auront jamais. Il y a cent ans, cette histoire était encore connue. Alors que la canaille réclamait de l’or et du repos, on le lui promit à 65 ans. C’est ainsi que la canaille marcha au pas sans comprendre que peu d’entre eux vivraient jusqu’à cet âge. Maintenant qu’ils vivent assez pour prendre notre or et notre temps, mettons le trouble dans leur cœur, divisons-les, montons la barre plus haut pour qu’ils n’aient pas le temps de profiter de nos trésors. »

Monseigneur, tout fier d’avoir enfin compris, à l’inverse de ses collaborateurs dont l’air niais persiste encore, se redresse et lance à son Etat major, « Tout le monde au travail ! Rhétorix, préparez-moi donc une bonne glue verbale, de celles qui nous permettront d’endormir l’opinion ! Que tout le monde soit prêt à attaquer ! Que les diffuseurs du bourg Televisium se tiennent parés à lancer les obus de glue verbale dés qu’elle sera prête ! Au travail Rhétorix et Directeurdecabinex ! Au travail, nom de Dieu ! »

« Au travail », facile à dire. Rhétorix et Directeurdecabinex n’avaient pas la moindre idée de ce qu’ils devaient faire. Pour tout dire, ils tremblotaient encore un peu rien qu’en pensant aux ondes dégagées par l’étendard du village Intérêt Général et à la réaction apeurée de leur totem Blinky.

Prenant les choses en main, Vendesassurancestoutrix se lève et lance en direction de Girondix le bossu, « Monseigneur, vos collaborateurs font preuve d’une attrition intolérable. Vous ne pouvez tolérer une attitude aussi déceptive. Laissez-moi faire. Mes hommes sont beaucoup plus pushy. Ce sont des HP (High potentials) dotés de KFS (Key factors of Succes). Je suis certain qu’avec mon équipe nous conceptualiserons une idée impactante qui scotchera le camp adverse. Confiez-moi cette mission et sous peu vous aurez de quoi répondre à l’attaque des vilains du village. Promis, je vous contacte ASAP (As Soon As Possible) ».

Rhétorix, Directeurdecabinex et les autres restent bouches bées devant autant de talent. Il est vrai que Vendesassurancestoutrix passe pour être l’un des officiers les plus brillants de Girondix. Sorti des bancs d’élevage ostréicole des écoles de COM, on le disait particulièrement intelligent. D’aucuns prétendant même que cette tête de Com serait capable de réfléchir sans bouger les lèvres.

Monseigneur accepte la proposition de Vendesassurancestoutrix mais souligne toutefois que la réalisation de cette mission est TTU (Très très Urgente). Vendesassurancestourix répond avec un sourire commercial, accompagné d’un : « Promis Monseigneur ! dès qu’esquissée, je vous transmets un pitch (bref énoncé) du projet, puis je vous forwarde notre Reco (recommandation) complète. A ce moment-là, on tache de se voir en one-to-one (seul à seul) afin de peaufiner le tout ». Vendesassurancestoutrix se lève et part sur le champ.

48 heures s’ensuivent pendant lesquelles les deux étendards se font face. 48 heures à l’issue desquelles le fauve commercial atteint ses zobjes (objectifs).

S’inspirant de l’histoire de Thatcheria et avec l’aide de ses High Potes (Variante française de HP), principalement Mademoiselle Vaseline, une copine commerciale travaillant pour un grand groupe pharmaceutique, Vendesassurancestoutrix fait mettre au point une nouvelle drogue commerciale. Le Win-Win. En fait le Win-Win (gagnant-gagnant) donne toujours le sentiment d’être gagnant même lorsque la défaite est cuisante. Il s’agit d’un opium commercial agissant puissamment sur le système endocrinien. Une fois absorbée, le sujet contaminé sécrète des endorphines en masse, ce qui le met dans un état commercialement euphorique. Il est prêt à tout entendre, tout admettre et tout signer. Une bonne glue verbale aussi efficace avec le client, l’opinion, que les « partenaires » sociaux.

dimanche 7 septembre 2008

CHAPITRE 4 « LES FILS DE LLOEGR » (4/5)


Monseigneur est satisfait. Il est certain de tenir dans cette super-glue verbale l’arme secrète qui mollira la combativité des gardiens du village Intérêt Général, et qui fixera aussi toute éventuelle opposition dans le pays. « C’est Démagogix mon maître qui sera content de le savoir » conclue-t-il. Tout en félicitant Vendesassurancestoutrix, il ordonne que ses bataillons se tiennent prêts à procéder à un premier test dès que les quantités suffisantes de win-win seront livrées. Ce n’est l’affaire que de quelques jours.

Enfin, tout est paré. Monseigneur est impatient. Il a ordonné que le premier bombardement de win-win ait lieu par voie aérienne depuis le village de Télévisium. Donnant le signal à l’heure du souper, le win-win se diffuse sur les ondes. Une étrange nuée se lève et répand un souffle sonore jusqu’alors inédit. Les retraités, les fonctionnaires-serviteurs du pays et d’autres salariés sont assimilés à des nantis, à des rentiers. Par ailleurs, ce souffle étrange annonce la distribution de puissants paradis fiscaux artificiels. Un nouvel opium du peuple pour le plus grand bénéfice des plus riches, des véritables nantis ou rentiers.

Cela fonctionne à merveille. Les endorphines sécrétées endorment les neurones calculateurs de la population dés cette nuit-là. Un lourd sommeil hypnotique s’abat sur les enfants de Belle France. L’opinion, shootée à la glue verbale, se trouve scotchée.

Nous voilà le lendemain matin. Vendesassurancetoutrix débute sa journée par un jogging. Le seul moment de la journée où il transpire, où cette sueur lui donne l’apparence du travailleur. Le rythme de sa foulée suit celui de sa joie. Il sait que les dégâts provoqués par son Win-win ont dû être considérables. Pour l’occasion, il a d’ailleurs enfilé son plus beau survêtement, celui du dimanche, un survêtement jaune or où figure son animal totémique ; un grand caïman. Mais Alphapage, son corbeau messager, l’interrompt dans son effort. Alphapage lui apporte une convocation de Monseigneur Girondix, le mandant plus tôt que prévu.

Les résultats du bombardement de la veille sont en effet plus qu’excellents. Constatant cela, l’état-major de Monseigneur Girondix le Bossu fait éclater sa joie et laisse libre cours à son humeur belliqueuse. « Attaquons sans attendre l’avant poste d’Intérêt Général et ce maudit étendard qui nous a déjà trop nargué » lance Vendesassurancestoutrix. « Oui », poursuit Rhétorix, « n’attendons pas qu’ils réfléchissent à une riposte suite au bombardement d’hier ; nos rapports font état d’une vive agitation dans le village depuis hier soir ».

« Vous avez raison mes enfants », lance Monseigneur en souriant, « rassemblons toutes nos forces dés demain matin sur la plaine qui fait face à ce stupide étendard que nous allons détruire sans plus attendre ». Chacun quitte la salle impatient d’en découdre et chargé de sa part des préparatifs.

Le soleil se lève. Vendesassurancetoutrix est l’un des tout premiers sur le futur champ de bataille. Il y est rejoint un à un par ses amis et les autres membres de l’unité de cavalerie dont il est le commandant. À commencer par Poujadix qui arrive flanqué de son animal de compagnie. Un perdreau au regard niais perché sur son épaule gauche, prénommé « Jean-Pierre » et bagué avec le symbole de son maître, les trois lettre « cçc ».
Puis par Cadremoyenaigrix qui arrive très aigri. Cette bataille l’empêche de partir en RTT, ces RTT dont il déteste le principe mais qu’il apprécie tant quand même.
Arrivent enfin, entre autres, les chevaliers Frontoffix le trader, Centurix XXI, Vediorbix aux grands crocs, Pharmaceutix l’apothicaire, Nicotix le buralix, tous vêtus de leur armure trois pièces plaquées or, dures comme leurs cœurs, légères comme leurs cervelles, et portant par également autour du cou, une sorte de torque (collier gaulois) souple, doré, descendant sur leur poitrail. Un torcravatte symbolisant le lien qui les relie à leur seigneur ; une laisse magique.

Les voilà positionnés par leur Commandant sur le flanc droit, attendant qu’on la lâche sur l’adversaire.

Au centre, la piétaille trépigne elle aussi sur place. Gavée de win-win mais également d’une autre drogue déjà plus ancienne, le sondage-d’opinium, cette masse attend qu’on lui permette d’insulter, de vilipender et de cracher sur tous ceux qu’on lui présente comme l’ennemi.

Surplombant la plaine où se trouve cette armée, un promontoire. Démagogix qui a quitté son repère pour assister à cette bataille s’y avance à pas de sénateur. Il marche accompagné du baron Ernestum Wendelium et de Girondix le bossu, son général qui le supplie, « tâtez ma bosse ô mon maître, cela sera de bon aloi, nous portera chance ». Démagogix n’en a cure. Il préfère regarder à l’autre extrémité de la plaine l’étendard magique du village Intérêt Général, celui qui a tant fait frémir ses hommes et que portent encore depuis tout ce temps Lignesix et Locomotrix. Démagogix se fait songeur pendant que à la vue de l’étendard les visages de rouille de Monseigneur le bossu et de sa suite se ferment ou s’oxydent de colère. Thatcheria, qui les rejoint, remarquant cela, leur insuffle son souffle de forge. Sortant de dessous sa robe une lance magique, encore vibrante, elle la tend au bossu en lui disant, « tiens Monseigneur, voici ma lance reactium, je te la prête ; elle mènera ta colère et ta dérégulation… »

jeudi 4 septembre 2008

CHAPITRE 4 « LES FILS DE LLOEGR » (5/5)


Alors que Monseigneur saisit la lance volante de Thatcheria sous le regard circonspect de Démagogix, un puissant grondement retentit tel le tonnerre.

Locomotrix vient de faire sonner son cor magique, appelant tous les glorieux combattants du village Intérêt Général à rejoindre l’étendard et à se préparer au combat.

Les portes du village s’ouvrent alors, déversant dans la lande ses fiers habitants qui n’attendaient que le signal pour sortir. La récente attaque menée par le bossu avait en effet déjà sonné le tocsin. À cette occasion Staracademix avait proposé ses services, tenté de chanter « motivés, motivés », mais on lui avait dit que c’était inutile. Nul besoin de motivation supplémentaire. Car il est tout bonnement hors de question de subir, de se laisser insulter ou présenter comme des profiteurs par les serviteurs des Dark Speculator. Le son du cor est donc le signal de la contre-attaque.

Une grande partie du village accourt. Les chevaux les plus rapides portent les amis de Profsousprosax ; les cygnes les plus majestueux transportent Blousedhermine et ses amies ; les cerfs les plus puissants emmènent Métalurgix et ses camarades ; les rennes les plus vigoureux galopent guidant le peuple solidaire. Didactix et Syndicaline, le front brillant, courent devant tout ce monde. Ils courent si vite que leurs pas ne foulent ni les pierres, ni l’herbe, ni les fleurs. Deux nuées d'abeilles portent leurs foulées. Parmi les délégués du village, seul manque Démocratix le chef. Encore une fois personne ne sait où il s’est retiré pour réfléchir aux problèmes qui secouent Intérêt Général.

De leur côté, Girondix le bossu et son seigneur Démagogix, ressentent au loin la sourde rumeur qui se lève. Ils s’interrogent. Directeurdecabinex est immédiatement envoyé en mission de reconnaissance. Son destrier est rapide. Aussi l’attente est brève. Directeurdecabinex revient vers Girondix et Démagogix aussi angoissé que bouleversé. Pressé, Girondix lui demande ce qu’il a vu. Ses paroles semblent incohérentes.

« Mes oreilles ont ouï un grondement terrible comme si mille montagnes s’éventraient pour lâcher leur colère. J’ai cru voir une brume envahir l’horizon et cracher des flocons de neige comme si mille glaciers voulaient tout recouvrir d’un manteau de glace. Quand la brume se fit proche, j’y ai vu des milliers de lueurs briller comme s’il s’agissait des astres de la nuit ».

Le messager cesse son récit, les yeux hagards. Le visage de Démagogix, quant à lui, se ferme. Girondix remarquant le voile qui tombe, demande à son maître ce que ce récit signifie. Démagogix, courbé sur sa chaise installée au sommet du promontoire, lui répond que « La brume est la poussière que les habitants du village en marche soulèvent sur leurs pas. Les flocons de neige sont la blanche écume que bavent leurs chevaux. Ce qui brille, semblable aux astres de la nuit, c’est la flamme de leurs yeux ardents. »

Histoire de se donner une contenance, Girondix se permet alors un « peu m’importe leur poussière et leur flamme, ils en mangeront en entrée, plat, désert. Quant aux flammes, nous les éteindrons de nos crachats ».

Démagogix, cinglant lui rétorque « Imbécile, l’imprudence est la mère des défaites. Voyons plutôt comment empêcher l’incendie porté par cette rumeur de s’approcher ».