vendredi 21 novembre 2008

CHAPITRE 2 « MOBILISATIONS » (1/4)



Constitutionnix avait vu juste encore une fois. Dés ce matin-là, des commandos en tenue de camouflage quittent le fort « Boitedecom » en lançant des cris de guerre tels que « 80%…Enfin proprios de l’assemblée…On ne va pas se laisser emmerder ! ».

Armés de verve acide, ils font les premiers kilomètres camouflés à l’aide d’un très efficace sourire d’apparat enseigné par Démagogix, et d’un polo SPQR histoire de se fondre dans les jeunes actifs. Leur objectif : prendre d’assaut le bourg Televisium. Un lieu stratégique.

Le Plan prévoit qu’ils soient récupérés un peu plus loin, en aval du fleuve Hertzien, par des vedettes rapides que BadBercix leur envoie depuis son repère. Des embarcations qui remontent le fleuve Hertzien jusqu’à son confluent avec la rivière Oisive. Là, ils débarquent pour poursuivre par la route Kathodique qui les mène jusqu’au bourg visé. La bataille est brève. Ayant toujours été de faible résistance, le bourg Televisium s’offre facilement au nouvel occupant.

Dés cette journée, ils contrôlent presque tous les pigeons décodeurs, dont les habitants de Televisium sont les dresseurs. Des pigeons décodeurs, qui installés sur les antennes émettrices, se mettent alors à roucouler en dodelinant la tête une bien étrange rumeur.

Cette rumeur conte que l’on va réduire le pain des anciens, que seul le peuple travailleur cotisera plus en charriant les lourds sacs de blé, d’orge et d’avoine, dans les silos de prévoyance. Le seul peuple travailleur portera jusqu’à ce que ses vieilles jambes se brisent .

Pendant ce temps, le Baron et sa suite se goinfrera dans d’interminables ripailles, fermera ses greniers à la solidarité et en déplacera le contenu dans de gigantesques coffres hors d’atteinte. L’orge, l’or et les ballots de soie seront ainsi confisqués au bien commun ; confisqués et gardés par les terribles Trolls des montagnes ; Confisqués et comptés inlassablement par les gobelins gris des cavernes helvètes ; comptés et entassés sans cesse dans les coffres sans fond des vampires du bien commun. Le Baron rira, repus, bronzé, massé sur une île ensoleillée, protégée par des caïmans géants. Le Baron se gausserait du peuple qui plie, qui casse et qui se rend à la Rente.

La vision accompagnant cette rumeur fait frissonner le vénérable druide mais pas seulement. Tous les habitants d’intérêt général sentent un même frisson leur parcourir l’échine. Un frisson qui sonne l’heure du rassemblement. Chacun se dirige alors vers sa maison de quartier où il retrouve ses confrères.

Dans chaque assemblée, chacun discute, réfléchi, se dispute perturbant le sommeil de l’astre du Jour dans cette longue veillée sociale. De chaque maison devront sortir des délégués qui sur la place centrale du village délibèreront quant aux actions à mener.

En attendant, alors que les douze déesses de la nuit défilent dans le ciel, des éclats de voix aux accents tribuns encore imberbes bourgeonnent. Les animaux de la forêt, les lutins, les fées écoutent ces discussions, un peu perturbés par tout ce tumulte peu festif.

jeudi 20 novembre 2008

CHAPITRE 2 MOBILISATIONS (2/4)



Dans la maison des enseignants, ces oreilles discrètes assistent à un échange un peu vif entre Didactix et Mlle Profsousmorphine. Cette dernière en sanglots lance à l’assemblée, dont une petite partie, au fond, corrige des copies en retard, « la grève nous est interdite car nous avons un devoir de sacrifice envers nos élèves et la société ; disposant de la garantie de l’emploi nous devons nous sacrifier! » Concluant sur la nécessité d’accueillir les élèves, et surtout de « se sacrifier », elle plante nerveusement sa fourchette dans le tupperware rempli de salade qu’elle s’était préparé pour la soirée. Son ami Profsousprozax la soutient, un verre de vin blanc à la main.

Didactix, rétorque alors goguenard : « Mais oui, voyons ! Invitons Démagogix à pousser sa logique jusqu’au bout. Puisqu’on glande et qu’on a la garantie de l’emploi, il n’a qu’à faire cotiser les salariés du public 50 ans et ceux du privé 30 ans. Ainsi on obtiendra une moyenne de 40 ans pour tout le monde ! Il n’y a pas à dire, on fait culpabiliser beaucoup trop facilement un prof. » Puis d’un ton plus sérieux, il poursuit : « La garantie de l’emploi, un prétendu avantage que nous payons doublement. Que nous avons payé en trimant pendant des années passées à préparer les concours. Que nous payons toujours puisqu’à qualification égale, nous sommes moins bien rémunérés que dans le privé ! Et puis une garantie de l’emploi que l’on peut voir, si nous imitons la mauvaise foi de nos adversaires, comme une obligation de travail toute sa vie professionnelle. Nous viendrait-il à l’esprit de jalouser les périodes de chômage rémunérées chez les salariés du privé ? Non ! Pourtant on pourrait prétendre qu’il s’agit-là d’une forme de garantie de l’emploi ou plutôt de salaire. Que l’on cesse donc avec cette grosse ficelle de la garantie de l’emploi. Alors certes oui, nous avons des devoirs. Parmi ceux-ci nous avons celui de défendre ce ciment républicain qu’est l’Ecole. Cela passe par la défense de l’institution scolaire mais aussi de notre dignité. Je ne suis pas un garde-chiourme mais bien un Professeur »

Profsousmorphine pleure alors de plus belle tout en mâchouillant rageusement un pétale d’endive. Ce qui pousse Profsousprozax à prendre sa défense en lançant un vibrant : « oui mais comment t’explique ça aux parents d'élèves, toi ?!? »

« Par Ogmios ! Répond Didactix, « avec des mots et si les parents ne comprennent pas ses termes simples, s’ils ne nous respectent pas, s’ils préfèrent rester attachés à la défense de leur petit intérêts égoïstes réduits à la seule obligation pour l’école de faire garderie tout en livrant des menus scolaires à la carte, et bien tant pis. La dignité et le respect passe par un rappel. Ceux qui ont obtenu les concours, c’est nous ! Ceux qui détiennent l’autorictas que confère le savoir, c’est encore nous ! Je rappelle enfin que jusqu’à présent nous avons toujours manifesté pour les autres, pour l’école, pour les élèves, jamais pour nous-mêmes, pour nos salaires calculés sur dix mois annualisés, sur nos conditions de travail déplorables. Alors ça suffit, on ne réussira plus à nous faire culpabiliser.»

Profsousprozax laisse tomber son verre de vin blanc et se met à pleurer lui aussi. L’assemblée des profs applaudit timidement, excepté ceux qui, au fond, corrigent leurs copies. Ils applaudissent timidement. Ils n’osent pas trop. Ils ont perdu l’habitude d’être fiers.

Après cela, Didactix est choisi pour figurer parmi les délégués qui représenteront la maison des professeurs à l’assemblée générale du village. Il quitte la maison des professeurs et part à la rencontre de Syndicaline. Celle-ci jointe par téléphone portable lui a indiqué qu’elle se trouvait chez son père, occupée à la fabrication de munitions sans donner plus de détails. Didactix a envie de voir ça.

En chemin, il croise des amis qui se rendent dans telle ou telle maison ou qui en reviennent, lui relatant ce qu’il y a été dit. C’est ainsi que Cégétix lui indique que leurs amis Locomotrix, Lignesix, Nationalelectrix, se mobilisent fortement, refusant le chantage dit « des privilèges » ou de « la prise en otage des usagers ».

« Quels privilèges ? » demanda Locomotrix lors de la réunion. Avant de poursuivre sur le fait que si nul salarié n’est prêt à renoncer aux dispositions conventionnelles, aux primes spécifiques et autres « avantages », ou plutôt « des dûs-sociaux », liées aux spécificités de tel ou tel métier, de telle ou telle entreprise, il ne voit pas pourquoi il devrait renoncer aux dispositions en matière de retraites prévues par son contrat de travail. Quant à « la prise en otage des usagers », Lignesix a indiqué que servir le public ne signifie pas accepter d’être asservi par des considérations privées propres à telle ou telle partie du public. À partir du moment où il paye le prix de la grève en y sacrifiant son salaire, la légitimité de l’action est sienne. « Et puis après tout, on ne bloque ni les rues, ni les trottoirs. Si on n’aide pas à se déplacer, on n’empêche personne de le faire. Chacun demeure libre de circuler autrement qu’en se servant de nos services. Les choix possibles restent nombreux. L’habitude du plus pratique n’est pas force de loi.»

Un Cégétix qui doit se rendre dans sa propre maison de quartier où l’y attendent ses camarades Métallurgix, Aéronautix, Carrosserix. Il rapportera à ses camarades ce qu’il a entendu ici ou là et notamment chez Locomotrix et Lignesix. Il leur dira « que les salariés du public sont prêts à défendre leur dû-social, y compris en sacrifiant leur salaire, mais espèrent aussi aider à sauvegarder par leur mobilisation le dû-social du plus grand nombre ».

Cégétix poursuivra d’ailleurs en rappelant qu’après-tout « l’avantage du secteur public n’est pas tant la garantie de l’emploi mais celle de cotisation. Et oui, même s’ils doivent cotiser plus longtemps, ils pourront le faire dans de meilleures conditions que nous puisqu’avec des périodes de chômage parfois très longues et qui touchent beaucoup d’entre nous en fin de carrière, ce sont nos capacités à cotiser dans de bonnes conditions qui sont ainsi menacées. Aussi en défendant leurs droits en matière de retraites, ils défendent également, voir plus encore les nôtres. »

Didactix quitte Cégétix en lui souhaitant de pouvoir convaincre ses camarades et poursuit sa route. Passant aux abords de certaines maisons de quartier ou d’un parc où s’improvise une réunion, il entend des salariés fatigués dire « On cotisera plus longtemps le jour où les rentiers, ceux qui naissent retraités cotiseront un tant soit peu ».

Il voit même certains d’entre eux, au détour d'une rue, commencer à fabriquer des banderoles en vue des futures manifestations. Parmi celles-ci, il y en a une qui attire son attention par son originalité. Des salariés du textile, d’origine chinoise, ont fabriqué une banderole en forme de dragon avec des slogans inscrits sur le flanc de la bête en papier. Un dragon-rouge pour lequel ils improvisent une danse sociale…

mercredi 19 novembre 2008

CHAPITRE 3 MOBILISATIONS (3/4)



Un peu plus loin, voilà que Didactix croise deux vieilles connaissances, Péhèmix et bétépix qui fument une cigarette d’un air détaché, à l’extérieur du pavillon où se tient la réunion de leur fraternité patronale.

« Ben, en voilà des drôles de têtes. Que faites-vous dehors les gars ? » demande Didactix.

« Nous attendons notre tour, cher camarade » répondent en chœur les deux compères, avant de se voir demander par Didactix « pourquoi ne pas attendre à l’intérieur ? »

« Afin d’éviter l’agacement par Lugh ! Tu sais bien comment ça fonctionne dans notre maison des petits patrons » souligne Bétépix.

« À vrai dire, pas vraiment » leur signifie Didactix interrogatif.

« Comment t’expliquer », dit Péhèmix, tout en écrasant sa cigarette. « Voilà ! Lors de nos réunions, chaque groupe prend la parole tour à tour selon un ordre préétabli, le notre intervenant en tout dernier lieu ». Puis il explique ce qui suit.

Le premier groupe conduit par Capitalrix est constitué de faux petits patrons puisque leurs petites entreprises appartiennent à des grands groupes. Ils représentent l’un des nouveaux visages de ceux qui sont au sommet de la chaîne alimentaire économique. Capitalrix affirmera que toutes les entreprises, quelles que soient leur taille, ont les mêmes intérêts, que les grandes entreprises ne sont pas les adversaires des petites mais des alliés face à la mondialisation, que ces grands groupes bien que représentant moins de 10% des entreprises produisent plus de la moitié de la valeur ajoutée et leur fournissent bien du travail. Par conséquent ces grands groupes doivent êtres écoutés quand ils expliquent que la mondialisation implique que les Etats fassent peser le coût de leur modèles sociaux sur les bénéficiaires, les seuls travailleurs. Des travailleurs qui doivent se débrouiller pour leur être utiles en tant que salariés, en forme, bien formés, compétents, efficients, sans que les grandes entreprises n’aient à participer par l’impôt à ce qui permet cela, et utiles en tant qu’enthousiastes consommateurs sans avoir à participer à ce qui permet cela également, que ce soit en termes de salaires ou de pensions. « Fabuleux non ?!? »

Le deuxième groupe est constitué par les poissons pilotes du premier. Indépendants mais coincés entre la concurrence exercée par les grands groupes à l’intérieur et celle des entreprises installées dans les paradis fiscaux et autres enfers sociaux, ils finissent par adhérer au message du premier. Certains étant même heureux de manger les miettes coincées entre les dents des prédateurs économiques. « Nos charges, nos charges, nos gages » ! Et tant pis pour les salariés.

Manger pour vivre ou vivre pour manger, telle est l’une des questions posée par la mondialisation.

Puis il y a le groupe de ceux dont la devise est chacun pour soi. Artisans, chefs de micro-entreprises, ils estiment que tout le monde doit trimer autant qu’ils triment. Chacun sa vie, chacun son petit profit, chacun sa propre prévoyance et tant pis pour la cohésion de la nation.

« Enfin vient le tour de notre groupe », soupire Péhèmix.

Un groupe d’entrepreneurs estimant que la prospérité des uns participe à celle des autres, qui refuse de subir la pression de grands groupes, la pression de leurs intérêts financiers, d’où découlent sous-traitances en cascade, avec pour conséquence le fait que les risques soient finalement assumés par ceux qui se trouvent en bout de chaîne, pour le seul profit des requins de la finance. Une pression synonyme de faibles marges pour leurs petites entreprises, d’une moindre valeur ajoutée pour la nation, de salaires plus bas distribués à leurs salariés, d’une couverture-sociale quasi-absente pour eux-mêmes. Un groupe qui estime que le travail doit être bien plus récompensé que la spéculation et qui dénonce l’internationale des rentiers, qui de toute ethnie, de tous pays, s’entendent par-dessus leurs concitoyens pour défendre leurs seuls intérêts.

Un groupe qui tiendra un tout autre discours en assemblée. Il expliquera, entre autres, que dans une société apaisée et adulte, chacun doit accepter ses responsabilités. Les salariés se devant de reconnaître l’utilité des entreprises et la valeur des entrepreneurs en tant qu’agents économiques. Des entrepreneurs qui doivent assumer quant à eux leurs obligations sociales et fiscales.

« Un discours que tu devines difficilement convaincant surtout s’il vient après la longue série de litanies dites libéralistes », maugrée Bétépix.

« Je comprends », acquiesce Didactix, « c’est pas gagné !»

« C’est pas qu’on désespère car je suis certain qu’un jour, notre conception des choses apparaîtra comme évidente au plus grand nombre, mais en attendant c’est pas plus mal de s’en griller une petite à la fraîche » dit Péhèmix en reprenant une cigarette.

Soudain, un bruit sourd. « C’est quoi ça ! » s’exclame Didactix en se retournant.

« Oh, rien de grave. C’est Dogmatix qui comme d’habitude espionnait les discussions qui se tiennent dans notre maison et qui vient de tomber de son échelle sociale » sourit Bétépix.

« Oui, je vous espionnais et alors », leur sert un petit personnage hirsute portant des lunettes noires et une chemisette à l’effigie du Che. « De toute façon, vous les patrons, on ne peut pas vous faire confiance, toujours prêts que vous êtes à comploter contre les travailleurs. Mais cela changera un jour. Par la revanche de la classe prolétaire, nous renverserons votre dictature infâme ! »

« Oui, je sais, Dogmatix, pour installer la vôtre de dictature, bien réelle cette fois-ci », répond Péhèmix froidement. « On connaît la chanson camarade. Il faudra juste que tu expliques un peu mieux aux gens comment tu réussis à décréter que les patrons ne sont pas des travailleurs, à décréter que je ne travaille pas, comment dans une société ouverte et libérale comme la nôtre, contrairement aux sociétés de castes de type ancien-regime, tu peux continuer à délirer sur la lutte des classes. Que je sache, il t’est possible de devenir fonctionnaire, où la notion d’exploiteur-exploité est toute relative, artisan, profession libérale ou que sais-je encore de totalement libre ou inexploité. Tu peux même devenir patron hyper-sympa, dirigeant d’une coopérative ou cogestionnaire d’une entreprise collectiviste si cela te chante. Que nous n’ayons pas toujours les mêmes intérêts soit, que des gens se regroupent pour défendre des intérêts communs re-soit, mais de là à décréter la guerre permanente me pousse à te conseiller de passer du café à la tisane mon pote. »

« Ben, oui tiens, et si tu remplaçais le drapeau rouge par le thé de même couleur. Il paraît que c’est plein d’antioxydants. Ça te fera un substitut utile à tes drogues anti-occident, non ? », complète Bétépix.

« Ça ne m’étonne pas de vous, bande d’exploiteurs. Nier le pouvoir que vous avez sur vos salariés, c’est tout vous ça ! » répond Dogmatix.

« Un pouvoir, un pouvoir, faut voir ? Car dans une République, sociale y compris, comme la nôtre, on a surtout des obligations et des responsabilités. T’oublies bien vite que notre pouvoir de direction est tempéré par un Code du Travail tout sauf laconique. Un ensemble de lois que je ne rejette pas, mais que je semble à l’inverse de toi, intégrer dans ma réalité. Car vois-tu, mon cher Dogmatix, contrairement à toi, je ne nie ni la réalité, ni mes droits, ni mes devoirs et surtout pas mes responsabilités. Dis-moi déjà, mon petit Dogmatix, quelles responsabilités assumes-tu déjà ? Ne fronce pas le front à ce point, tu vas te claquer un anévrisme. Et oui, mon gars, surtout n’hésite pas à créer ton entreprise histoire de voir ce que ça fait… C’est ça, tourne-nous le dos, va bouder et n’hésite pas à retomber de ton échelle le jour où t’auras autre chose que des malédictions et autres prières marxistes à nous opposer… Il commence à m’énerver celui-là aussi », conclut Péhèmix agacé.

« Eh ben ! il est plutôt rigolo votre petit camarade », s’esclaffe Didactix, en faisant remarquer, au passage, que la porte du pavillon vient de s’ouvrir sur un personnage qui semble les appeler. « Et oui, c’est notre tour d’intervenir » indique Bétépix d’un clin d’oeil. « Bonne chance » lance un Didactix en forme de salutation.

mardi 18 novembre 2008

CHAPITRE 2 MOBILISATIONS (4/4)



Le père de Syndicaline ouvre la porte et indique à Didactix que celle-ci s’amuse dans la cave avec quelques vieilles machines qu’il avait racheté, une fois à la retraite, lors du démantèlement de l’usine dans laquelle il avait travaillé une bonne partie de sa vie. Des machines que Syndicaline adorait tripatouiller quand gamine, il lui arrivait de retrouver son père, après sa journée de travail.

Une fois descendu l’escalier métallique qui mène à la cave, et qui semble avoir été récupéré, lui aussi, dans l’usine défunte, il y trouve Syndicaline occupée à usiner des petites plaques en acier. Une petite pile étant déposée à ses pieds. « Qu’est-ce que tu fabriques alors que tout le village s’agite dans tous les sens ? ».

« Justement un besoin de calme. À vrai dire, je ne sais pas trop. Une impulsion subite m’a fait fabriquer ces petites plaques métalliques où j’y ai gravé des slogans sociaux. Avec l’aide de Constitutionnix, je compte en faire des armes de jet magiques, au cas où, comme dans le dessin animé Catseyes, que j’adorais quand j’étais gamine. »

« Décidément tu seras toujours une originale. Allez, viens, puisqu’en parlant de Constitutionnix, celui-ci nous attend ».

S’enfonçant dans le parc, où Constitutionnix lui a indiqué qu’il s’y recueillerait, Didactix et Syndicaline tombent sur un kiosque à musique où semble se terminer une réunion d’intermittents du spectacle. L’ambiance a l’air houleuse.

La réunion s’est effectivement mal passée puisque après avoir reconnu Staracademix, celui-ci leur raconte qu’il y a eu un clash. Une partie des artistes accusait une autre d’avoir saboté le système de l’intermittence en le rendant illégitime par son parasitage alors que tout un tas d’artistes en ont vraiment besoin. D’avoir saboté le système avec des maisons de productions qui ont fait d’énormes bénéfices en se servant de façon totalement scandaleuse de ce système de chômage. L’intermittence ayant servi, entre autres, à rémunérer des congés payés et des périodes de travail dites « de préparation », que ces maisons de production auraient dû prendre en charge. Un appât du gain et une irresponsabilité qui a parasité puis fini par détruire un juste système de solidarité.

Un clash qui ne s’est pas terminé par des chansons douces mais plutôt par des noms d’oiseaux sur des airs de gansta-rap. Chaque groupe partant de son côté. Du coup, voici les plus fragiles d’entre eux à la merci du Baron Wendelium qui leur chante « vous avez chanté tout l’été…eh bien ! Dansez maintenant ! »

« Nous qui vivions chichement mais heureux, en proposant nos macarons d’amour, deux tranches de voix, une tranche de cœur, nous voilà trahis par ceux qu’on croyait des nôtres et poursuivis par les sbires de l’Empire de Com. Il ne nous reste plus qu’à reprendre la route, histoire de faire contre mauvaise fortune bon cœur » se lamentent Staracademix et son compère Chantecommuncoccyx avant de quitter Didactix et Syndicaline.

Un Didactix et une Syndicaline qui suivent de loin une autre partie de la Bande d’artistes. Bande qui semble se diriger tout comme eux vers le temple où médite Constitutionnix. Un temple situé en contrebas d’une petite butte, par le sommet de laquelle passe le sentier emprunté par nos amis et d’où ils assistent à l’un des rituels propres au village « Intérêt Général ».

La cime de cette petite butte offre en effet une vue parfaite sur la place centrale du village. Agora où siègent les divinités protectrices de celui-ci. Or à certaines occasions, il arrive que les habitants défilent collectivement devant les divinités Liberté, Egalité, Fraternité et déposent sur les autels de celles-ci, des offrandes que l’on appelle « Tax ». Les « Tax » étant des offrandes réellement magiques puisque ce sont les seules offrandes adressées à des divinités, dont on est sûr de revoir une bénédiction en retour. Des bénédictions en termes de biens publics, de services bien concrets et autres bienfaits solidaires.

La place est illuminée de mille torches portées par les habitants. Les statues et les temples sont éclairés d’éclats dorés. La musique semble rythmer les déplacements de la foule. Un bien beau spectacle qu’il leur faut quitter pour retrouver leur bon druide.

Un Constitutionnix qui a été rejoint par les confrères de Staracademix, qui les précédaient sur le sentier. Il s’agit de la troupe de Tanguix et ses 30 copains. Une joyeuse bande de grands enfants qui a déboulé dans le temple, fagotés de camisettes arborant des icônes protectrices telles que Actarus à bord de Goldorax, Capitaine Flaminus, Albatorix, avec des sucettes en bouche ou à la main, tout en chantant « ce matin, un lapin a tué un chasseur ; c’était un lapin qui ; c’était un lapin qui… »

Constitutionnix bien que préoccupé par la suite des événements, les accueille avec sa bonhomie habituelle. « Mes enfants, je vous vois de bien bonne humeur. Voilà quelque chose de fort agréable. »

Tanguix et ses amis voyant bien que le vieux druide est préoccupé, se proposent de le distraire un peu avec leurs chansons. Le vieux druide accepte, oubliant ses pensées et se laissant entraîner par leur bonne humeur.

Une fois le druide rendu joyeux, Tanguix et ses amis demandent au bon druide une histoire, en retour. « Quelle d’histoire souhaitez-vous entendre, mes enfants? »

« Oh, bon druide, s’il te plait, raconte-nous encore une fois l’histoire de notre déesse-mère, Belle France de la République. Après la discussion mouvementée que l’on a eu avec nos camarades, on ressent comme un besoin de retour aux fondamentaux. »

C’est à ce moment-là que Didactix et Syndicaline entrent dans le temple. Saluant leur druide d’un clin d’œil, ils s’assoyent avec les autres afin d’écouter cette histoire dont ils ne se lassent pas.