samedi 9 août 2008

CHAPITRE 5 « LA MARÉE, FLUX ET REFLUX » (3/5)


« Comment faire pour les sortir de ce mauvais pas ? » se demande le druide. Constitutionnix avait beau avoir récupéré quelques-uns de ses pouvoirs, il n’en demeurait pas moins trop faible pour résoudre seul cette délicate situation qu’il avait perçu depuis l’étendard avant même l’arrivée des messagers.

Afin de trouver une solution, il fait réunir autour de lui tous les bardes du village. Très vite, une idée émerge. Ils vont tenter de briser la rosserie par l’ironie. Pour cela, les bardes fabriqueront des saillies drolatiques. Pendant ce temps, Constitutionnix se chargera de préparer un ravitaillement énergétique destiné aux troupes présentes sur le front. Des chipolatax et des merguex rituelles, de la sangria mais aussi de la cervoise bénies par lui.

Les messagers quittent les arrières postes chargés de tout cela et d’une promesse d’intervention. Elle ne tarde pas. Les porteurs ont à peine le temps de regagner les avants postes qu’ils peuvent déjà entendre la première salve de ripostes.

Staracademix, chantecommuncoccyx et leurs autres camarades bardes, tous issus de l’ordre sacré des Victoires de la Musix, lancent des saillies qui résonnent ainsi : « Besoin de pain, envie d'un toit » « Le travail c’est la santé, ne rien faire c’est la conserver ! » « Tu mangeras du pain à la sueur de ton front, et bien va donc travailler, rentier ! » « Travailler pour les spéculateurs, c’est usiner le trépalium de ces gangsters !»

Avec cette salve, le bombardement ennemi cesse un moment et le rideau de brouillard se lève un peu.

Les bataillons du flanc gauche en sortent un peu hagards et cherchent leurs chefs du regard. Syndicaline, Syndicalix et Cégétix reprennent assez vite leurs esprits. Mais alors qu’ils s’apprêtent à signifier à leurs troupes la poursuite de l’assaut, ils se rendent compte que Synallagmatix n’est plus présent à leurs cotés. Celui-ci marche déjà bien au loin avec une partie de son unité de contestation, en direction du camp adverse, tous bras tendus tels des zombies. Le sévère bombardement de win-win avait fait son effet. Cédant à une fragilité congénitale, Synallagmatix s’en va signer un accord avec Girondix de la Bosse, faisant même de ce que l’adversaire avait prévu dés le début de lui octroyer, une brillante conquête.

Un tressaillement de doute et de colère saisit Cégétix, Syndicalix et Syndicaline. Mais ils reprennent sans plus attendre le raid en direction de l’infanterie ennemie. Malgré le brouillard qui règne encore sur la plaine, ils savent que celle-ci ne se trouve plus qu’à quelques centaines de mètres, séparée d’eux par une butte. Les voilà qui gravissent la colline, puis qui dévalent la pente, espérant surprendre l’infanterie de Girondix.

Mais de nouveau, un bruit angoissant stoppe net leur course à mi-pente. Un brouhaha d’un autre âge, venu de temps lugubres et inhumains, qui leur coupe les jambes et leur serre le cœur. Oui, la piétaille du bossu s’était déplacée. Une partie se trouve maintenant là, devant eux. Une foule immense qui avance doucement, tirant de lourdes chaînes en fonte plaquées or. Hypnotisés, enchaînés les uns aux autres, la fuite de ceux qui se réveilleraient est impossible. Constitutionnix avait raison. On ne peut rien pour eux.

Désarçonnés par cette image qu’ils n’avaient pas perçue aussi nettement avant l’assaut, ils restent paralysés. Si le doute avait taraudé Syndicaline avant l’offensive, il venait devant ce triste spectacle, d’avaler et de digérer toute sa combativité. Elle ne peut décidément pas marcher sur cette masse certes grommelante, mais familière, constituée de frères et de sœurs de sueur.

Monseigneur jubile. Sa piétaille vient de bloquer la charge du flanc gauche.

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