lundi 11 août 2008

CHAPITRE 5 « LA MARÉE, FLUX ET REFLUX » (2/5)


Cette dernière image les fait se ressaisir. Ils comprennent que leur personne n’est pas plus importante ici que celle de leurs frères actuellement captifs de la glue verbale de Girondix. Seule prime l’intention, le sens individuel et collectif qui habite leur action. Aussi, ils retrouvent toute leur combativité. Et par conséquent, en ce dimanche du mois de mai, ils s'apprêtent à livrer bataille. Le cœur ardant, chacun rejoint son unité après avoir congédié le compagnon animal, renne, cheval, cygne ou autre qui l’avait porté jusqu’ici. Ce n’était pas leur bataille.

Parallèlement à la formation des bataillons, on indique à Locomotrix et Lignesix qu’ils peuvent enfin se reposer. Ce n’est que mérité. Ils ont courageusement tenu l’étendard et subit pendant plusieurs jours des salves nourries d’invectives. Mais s’ils sont effectivement fatigués, ils refusent d’abandonner le terrain. Dans un dernier effort, ils plantent profondément dans le sol le mat de l’étendard puis s’assoient avec quelques camarades autour, déterminés à monter la garde. Ce geste de fierté fera office de signal. Les bataillons d’Intérêt Général s’élancent, à commencer par celui où se trouve Syndicaline, Syndicalix, Cégétix, Synallagmatix, et qui forme le flanc gauche.

Syndicalix avait failli arriver en retard. De justesse, il avait rejoint sa copine Syndicaline enveloppé dans un épais nuage de fumée qui recouvrait son fameux char magique. Celui-là même qui redémarra en trombe à la seconde où Syndicalix en descendit. Syndicalix était arrivé tendu, tenant nerveusement un cigare à la main.
Synallagmatix, lui, arriva plus tôt et assez décontracté, son stylo magique à la main. Un beau stylo marqué du sceau des artisans du Mont Jaune.
Cégétix fidèle à lui-même ne se posait pas trop de questions. Il préférait comme d’habitude compter ses troupes ; un tic.
Après une dernière oeillade entre eux, ils se retournèrent vers leurs camarades puis portèrent leur regard droit devant eux. Unitairement, ils montèrent en première ligne puis se mirent à courir.

Aussi voici Syndicaline et ses camarades, Syndicalix à ses cotés, puis Cégetix à sa gauche et Synallagmatix à sa droite, encadrant leurs troupes, qui montent à l’assaut, tout droit sur le flanc gauche adverse, celui où se trouve l’infanterie régulière de Girondix.

Les centaines de mètres succèdent aux centaines de mètres. Ils peuvent apercevoir au loin l’infanterie adverse qui attend le choc de la mêlée. Ils se disent même qu’ils les feront reculer. C’est à ce moment-là qu’une chose étrange se produit. Le sol se dérobe sous leurs pieds. Ou plutôt pour un pas qu’ils font, la tourbe sombre et chaude les fait reculer de deux pas. Étrange diablerie. Qu’à cela ne tienne, ils courent de plus belle, finissant par échapper ainsi à ces sables roulants. Mais il leur reste, tout de même, pas mal de terrain à couvrir. Ils tiennent le rythme.

Ils tiennent ce rythme jusqu’à la diablerie suivante. Car soudain le sol se met à transpirer par tous ses pores. Une brume aigre les prend subitement à la gorge. On dirait que le souffle soufré d’un quelconque dragon prisonnier des entrailles de la terre cherche l’air pur afin de le vicier. Sans même avoir le temps de comprendre ce qui se passe, les yeux irrités, le souffle coupé, ils se cognent les uns contre les autres. Puis ce sont des crépitements qui se font entendre tout autour d’eux. Un crépitement qui devient vite un vacarme insupportable. On jurerait que le grésillement de milliers de radios, tels des frelons, s’acharnerent sur eux ; que des milliers de tubes cathodiques implosent tout autour d’eux.

Un phénomène qui n’est rien d’autre que le résultat d’une nouvelle attaque portée par les ondes que venait d’ordonner le général Girondix. Des milliers de missiles longue-portée, chargés en win-win et opinium, lancés depuis les batteries du bourg Télévisium, s’abattent en effet sur eux. Tout n’est que vacarme et brouillard.

Voyant cela les unités de Métallurgix et Carrosserix se portent à leur secours. Sans succès puisqu’ils se font piéger de la même façon. Car en plus des missiles d’opinium et de win-win, l’arti-raillerie de l’infanterie ennemie tonne furieusement. Des bordées d’injures de gros calibre les assaillaient.

« Les 35 heures c’est bon pour les fainéants ! » « Fonctionnaires, tire au flanc !» « Ouvriers mécréants ! » « Le travail des autres c’est ma santé ! »

Dans cet enfer, on réussit à réunir quelques hommes afin qu’ils partent vers les arrière-postes histoire de demander de l’aide. Sur le nombre de messagers envoyés, peu nombreux sont ceux qui réussissent à s’extirper de ce bourbier et à transmettre à Constitutionnix dans quel état se trouve le flanc gauche. Péhèmix et Bétépix y parviennent.

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